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dans la construction des châteaux du moyen âge qui se soient perpétuées plus longtemps, puisque nous la voyons conservée encore de nos jours.

Le grand escalier en fer à cheval du château de Fontainebleau, dont on attribue la construction à Philibert Delorme, est une tradition des perrons du moyen âge. Celui du château de Chantilly formait une loge, avec deux rampes latérales, et datait du XVIe siècle[1].

Le perron était un signe de juridiction, et les prévôts rendaient la justice en plein air, du haut de leur perron[2] ; aussi les hôtels de ville possédaient-ils habituellement un perron, et l’enlèvement de ce degré avait lieu lorsqu’on voulait punir une cité de sa rébellion envers le suzerain, comme nous l’avons vu ci-dessus à propos de l’insurrection des gens de Liége.

PIERRE (à bâtir), s. f. Les Romains ont été les plus intelligents explorateurs de carrières qui aient jamais existé. Les constructions de pierre qu’ils ont laissées sont élevées toujours avec les meilleurs matériaux que l’on pouvait se procurer dans le voisinage de leurs monuments. Il n’existe pas d’édifice romain dont les pierres soient de médiocre qualité ; lorsque celles-ci faisaient absolument défaut dans un rayon étendu, ils employaient le caillou ou la brique, plutôt que de mettre en œuvre de la pierre à bâtir d’une qualité inférieure ; et si l’on veut avoir de bonnes pierres de taille dans une contrée où les Romains ont élevé des monuments, il ne s’agit que de rechercher les carrières romaines. Cette règle nous a été souvent d’un grand secours, lorsque nous avons eu à construire dans des localités où l’usage d’employer les pierres de taille était abandonné depuis longtemps. Même sur les terrains riches en matériaux propres à la construction, il est intéressant d’observer comment les bâtisseurs romains ont su exploiter avec une sagacité rare les meilleurs endroits, quelque difficile que fût l’extraction. Ce fait peut être observé en Provence, en Languedoc, dans le pays des Éduens (environs d’Autun), dans le Bordelais et la Saintonge, et sur les côtes de la Méditerranée. On voit, par exemple, sur la route romaine de Nice à Menton, au point où se trouve le monument connu sous le nom de la Turbie, une carrière romaine demeurée intacte depuis l’époque où fut élevé cet édifice Cette carrière, au milieu de montagnes calcaires, est située sur un escarpement presque inaccessible au-dessus de la petite ville de Monaco ; c’est qu’en effet, il se trouve sur ce point un banc épais de roches calcaires d’une qualité très-supérieure. Ces traditions se conservèrent pendant le moyen âge ; on connaissait les bonnes carrières, et la pierre que l’on employait était généralement choisie avec soin. Il n’est pas de contrée en Europe qui fournisse une quantité de pierres à bâtir aussi variées et aussi bonnes que la France.

  1. Voy. Ducerceau, Les plus excellents bâtiments de France.
  2. Voyez le conte du Sacristain (Legrand d’Aussy).