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[perron]
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de pierres avec emmarchement[1]. C’est sur un perron que l’auteur de la Chanson de Roland fait mourir son héros, comme sur un lieu sacré :

« Prist l’olifan, que reproce n’en ait,
E Durandal s’espée en l’altre main ;
D’un arbaleste ne poest traire un quarrel ;
Devers Espaigne en vait en un guaret,
Muntet sur un tertre desuz un arbre bele ;
Quatre perrons i ad de marbre faite ;
Sur l’erbe verte si est caeit envers,
Là s’est pasmet ; kar la mort li est près[2]. »

Dans les romans des XIe et XIIIe siècles, il est sans cesse question de perrons au haut desquels se tiennent les seigneurs pour recevoir leurs vassaux :

« Li dux s’asist sus un peon de marbre[3]. »

C’est au bas du perron des palais que descendent les personnages qui viennent visiter le suzerain ; c’est là qu’on les reçoit, si l’on veut leur faire honneur.

« De joiaus, de richesses trestous Paris resplent :
Au perron de la sale la roijne descent,
Maint haut baron l’adestrent moult debonairement,
Car de li honorer a chascun bon talent[4]. »

Lorsque Guillaume d’Orange se rend auprès du roi de France après la prise d’Orange, il arrive incognito :

« Li cuens Guillaumes descendi au perron
Mès ne trova escuier né garçon
Qui li tenist son auferrant gascon (son cheval).
Li bers l’atache à l’olivier réon[5]. »

Les perrons des châteaux étaient accompagnés de montoirs (voy. Montoir) :

« Sor les chevax monterent c’ou lor tint au perron[6] :
Fors de la salle aneit-un mis,
Un grant peron de marbre bis,
U li poisant hume munteient.
Qui de la Curt le Roi esteient[7]. »

  1. Voyez les bas-reliefs de la colonne Trajane. — « Ipse in munitione pro castris consedit : eo duces producuntur. » (De bello gall., lib. VII, reddition d’Alise.)
  2. La Chanson de Roland, st. CLXV.
  3. Ogier l’Ardenois, vers 8 517.
  4. Li Romans de Berte aus grans piès, chap. IX.
  5. Guillaume d’Orange, La bataille d’Aleschans, vers 2568 et suiv.
  6. La Chanson des Saxons, chap. XXII.
  7. Le lai, de Laval ; poésies de Marie de France.