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PENDENTIF, s. m. Triangle d’une voûte hémisphérique laissé entre les pénétrations, dans cette voûte, de deux berceaux semi-cylindriques, ou formés d’une courbe brisée (dite ogive). Les pendentifs les plus anciens signalés dans l’architecture du moyen âge en France sont ceux qui portent les coupoles de l’église abbatiale de Saint-Front, à Périgueux (voy. Coupole, fig. 6). Ce système de construction n’a guère été employé que dans les localités voisines de ce monument important. Mais, par extension, on a donné le nom de pendentifs à des trompes ou à des encorbellements posés dans les angles formés par des arcs portant sur plan carré et destinés à faire passer la construction du carré à l’octogone ou au plan circulaire.

Prenant la dénomination de pendentifs dans cette dernière acception, nous aurions dans beaucoup de provinces de la France des coupoles et des tours de transsept portant sur pendentifs. Ainsi, par exemple, la lanterne centrale de l’église de Nantua serait portée sur des pendentifs (fig. 1). De fait, le triangle A n’est qu’un encorbellement dont la section horizontale est droite et non courbe, ainsi que doit être toute section horizontale de pendentif. Les assises qui composent cet encorbellement ont leurs lits horizontaux, et non point tendants au centre d’une sphère, comme doivent l’être les lits des pendentifs.

Afin de rétablir la véritable signification du mot pendentif, nous présentons dans la figure 2 une sorte d’analyse du système de construction auquel seul on doit l’appliquer. Soit une demi-sphère dont la projection horizontale est la ligne ponctuée ABCD. Si, sur chaque face du carré ABCD inscrit par cette sphère, nous élevons des plans verticaux, nous formons quatre sections ABa, BCb, CDc, DAd, dans la demi-sphère, qui donnent les demi-cercles. Supposons que, sous ces quatre demi-cercles, nous bandions quatre arcs, nous reportons le poids de la calotte supérieure de cette sphère et des quatre triangles sur les quatre points ABCD. Ceci fait, admettons qu’au-dessus de la clef de ces quatre arcs, nous fassions une section horizontale dans la demi-sphère, nous obtenons un cercle parfait abcd. Sur ce cercle élevons une voûte hémisphérique abcde, nous aurons une coupole portée sur quatre véritables pendentifs. Les coupes de tous les claveaux formant ces pendentifs (qui ne sont que des fragments d’une première coupole) tendront au centre E, comme toutes les coupes des claveaux de la coupole supérieure abcde tendront au centre g. Ainsi l’ensemble formera une croûte homogène, dont les pesanteurs tendront à presser les claveaux vers l’intérieur et se reporteront en totalité sur les quatre points ABCD. Ce système de voûte, employé pour la première fois dans la grande église de Sainte-Sophie de Constantinople[1], fut, comme nous l’avons dit, appliqué à la construction de l’église de Saint-Marc de Venise, puis à celle de l’église de Saint-Front

  1. Sainte-Sophie de Constantinople présente, du moins, le premier exemple connu de ce genre de voûte.