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[grille]
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coulé de Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle, et qui datent de l’époque de Charlemagne[1]. Ces clôtures avaient été vraisemblablement fabriquées soit en Orient, soit par des artistes byzantins établis en Lombardie. Mais, outre que ces clôtures étaient fort chères, tant à cause de la matière employée que par les frais de modèle et de moulage, elles pouvaient être brisées facilement. Le fer, d’un emploi très-commun dans les Gaules dès une époque reculée, fut de préférence adopté pour toutes les clôtures à jour fabriquées pendant le moyen âge en France. L’art du forgeron était d’ailleurs développé chez nous, et il se perfectionna singulièrement pendant les XIe et XIIe siècles. Il faut savoir qu’alors on n’avait pas les moyens de fabrication introduits par l’industrie moderne ; le fer était étendu en plaques ou corroyé en forme de barres, à la main, sans le secours de ces cylindres puissants qui, aujourd’hui, réduisent instantanément un bloc de fer rouge en fil de fer. Obtenir une barre de fer longue, d’une égale épaisseur, bien équarrie et dressée, c’était là une première difficulté, dont nous ne pouvons avoir une idée, puisque tous les fers nous sont livrés, par les usines, réduits en barres de toutes grosseurs et de sections très-variées, sans que la main du forgeron ait en rien participé à ce premier travail. Bien que l’on ne puisse méconnaître les immenses avantages de la fabrication mécanique, il est certain cependant que les forgerons ont dû peu à peu perdre l’habitude de manier le fer et d’en connaître les qualités. Il y a vingt-cinq ans, on aurait vainement cherché à Paris un forgeron capable de façonner la grille la plus simple, et si nous en trouvons aujourd’hui, c’est grâce aux recherches sur les arts industriels du moyen âge, grâce à quelques-uns de ces architectes, qui, au dire de plusieurs, ne tendent à rien moins qu’à faire rétrograder l’art de l’architecture vers la barbarie. Ceci dit, afin de rendre à chacun ce qui lui est dû, occupons-nous des grilles. On comprendra sans peine que, lorsqu’il fallait réduire à la main un morceau de fer rougi en une barre, on évitait autant que possible de donner à ces barres une grande longueur. Le forgeron, obligé de retourner le bloc sur l’enclume et de l’amener peu à peu aux dimensions d’une tringle équarrie, ne pouvait dépasser certaines dimensions assez peu étendues, et devait chercher, par des combinaisons d’assemblage, à éviter les pièces très-longues, par conséquent très-lourdes. Cela seul explique pourquoi les plus anciennes grilles sont composées autant que possible, de petites pièces de forge.

Une des plus anciennes grilles que nous connaissions, et qui soit une œuvre d’art, se trouve dans la cathédrale du Puy-en-Vélay. Cette grille ouvrante, à un vantail, se compose d’un châssis de fer de 0,04 c. sur 0,02 c. d’épaisseur, contenant quatre traverses séparées par des montants de 0,015m sur 0,02 c., entre lesquels sont disposés des rinceaux de fer très-artistement composés. Cette grille date, pensons-nous, du commencement du XIIe siècle. En voici un fragment (1). Dans la hauteur, on

  1. Voy. Gailhabaud, Architecture du Ve au XVIIe siècle, t. IV.