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[menuiserie]
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au bois là où il porte assemblage, en ce que les chanfreins, élégissements et moulures s’arrêtent dès qu’un assemblage est nécessaire. L’observation de ces deux conditions donne un caractère particulier à la menuiserie. Si la matière est économisée, si elle est employée en raison de ses qualités, la main-d’œuvre est prodiguée, comme pour faire ressortir les précieuses propriétés du bois ; car il ne faut pas oublier que pendant le moyen âge la main-d’œuvre est toujours en raison de la valeur de la matière ; elle lui est supérieure, mais dans une proportion relative.

Les menuisiers du moyen âge tiennent compte de la valeur du bois, comme les appareilleurs tiennent compte de la valeur de la pierre. Il y a là une idée juste, un principe vrai et un sentiment de l’économie qui imposent l’attention et l’étude, sans nuire à l’art, car c’est de l’art. Ces artisans pensaient qu’une matière aussi précieuse que le bois, qui vient lentement et demande des préparations longues pour être définitivement mise en œuvre, mérite qu’on ne la prodigue pas et qu’on donne l’idée de sa valeur par le soin avec lequel on la travaille. Ces artisans ne donnaient pas à la menuiserie de pin, de mélèze ou de sapin, les formes que permet l’emploi du chêne ou du noyer. Observant les qualités particulières aux diverses essences, ils tenaient à la légèreté jointe à la solidité ; ce qui est la première loi de la menuiserie, ainsi que nous l’avons dit déjà. Jamais, par conséquent, il ne leur serait venu à la pensée de simuler en menuiserie des formes convenables pour de la pierre ; jamais ils n’appliquaient à la menuiserie de grandes courbes qui exigent un déchet considérable et forcent de couper le bois à contre-fil. Toutes leurs combinaisons partent de la ligne droite, au moins pour les membrures. L’étude de cet art, si fort détourné de sa voie aujourd’hui, est donc intéressante ; car avec un système de structure très-restreint, des dimensions qui se renferment dans les forces de bois débités uniformément, ces artisans sont parvenus à trouver les combinaisons les plus variées et les plus ingénieuses sans être arrêtés jamais par les difficultés que pouvaient présenter ces combinaisons.

Il nous faut classer les ouvrages de menuiserie par natures, afin de mettre de l’ordre dans cet article. Nous commencerons par les plus simples en principe, par les claires-voies, c’est-à-dire les assemblages de bois d’égale force, présentant des clôtures à jour sur un seul plan, des grillages en un mot.

Clôtures, claires-voies, clotêts, lambris. — Voici (2) une de ces grilles de bois comme on en voit encore dans la cathédrale de Bâle et dans quelques églises des provinces de l’Est. D’un simple treillis de chevrons assemblés à mi-bois, le menuisier arrivait à façonner une clôture d’un aspect monumental. Le principe émis ci-dessus, et qui consiste à laisser au bois toute sa force au droit des assemblages, est scrupuleusement observé ; mais entre ces assemblages, au droit des vides, l’ouvrier a pratiqué des élégissements qui forment une décoration et enlèvent à cette combinaison