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[menuiserie]
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les fermetures des baies de croisées. Les fenêtres intérieures de la cour du Louvre étaient originairement garnies de meneaux d’un aspect monumental qui donnait de l’échelle à ces grandes ouvertures. Ces meneaux sont remplacés aujourd’hui par des montants en bois avec impostes également en bois, qui ne sont guère en harmonie avec l’édifice, qu’il faut repeindre tous les dix ans et refaire à neuf lorsqu’ils viennent à pourrir, c’est-à-dire deux ou trois fois par siècle. Cela est, dit-on, plus conforme aux règles de la bonne architecture ; pourquoi ? Nous serions fort embarassés de le dire.

MENUISERIE, s. f. (Hucherie, huisserie, menuisiers, scieurs d’aiz, manhuissiers). Si les populations du Nord sont particulièrement aptes à faire des ouvrages de charpenterie, elles ne sont pas moins habiles à donner aux bois ces formes à la fois délicates, légères et solides qui constituent la menuiserie. L’art de la menuiserie n’est d’ailleurs qu’une branche, qu’un dérivé de l’art des charpentiers dans les premiers siècles du moyen âge ; les moyens d’exécution sont les mêmes.

L’art de la menuiserie se distingue nettement de l’art de la charpenterie, lorsque l’on commence à employer pour le débitage, la coupe et le polissage des bois, des outils très-perfectionnés. L’invention de la scie remonte à une haute antiquité ; les anciens connaissaient le rabot ou la demi-varlope et la varlope. Cependant, jusqu’au XIIIe siècle, on employait souvent, pour la menuiserie, des bois refendus (merrain), travaillés au ciseau et à la gouge sans le secours du rabot.

Il ne nous reste qu’un bien petit nombre d’objets de menuiserie antérieurs au XIIIe siècle, et ces fragments ressemblent beaucoup, pour la combinaison des assemblages, à des œuvres de charpenterie exécutées sur une petite échelle. Mais à dater du XIIIe siècle, l’art de la menuiserie prend un grand essor, possède ses règles particulières et arrive à un degré de perfection remarquable. Les ouvrages de menuiserie qui nous restent des XIVe et XVe siècles sont souvent des chefs-d’œuvre de combinaison, de coupe et de trait. Les traditions de cet art, conservées jusqu’au XVIIe siècle, résultent : 1o d’une parfaite connaissance des bois ; 2o d’un principe de tracé savant ; 3o d’un emploi judicieux de la matière, en raison de ses qualités propres.

Comme dans tout système de construction, dans la menuiserie, la matière employée doit commander les procédés d’assemblages et imposer les formes ; or, le bois est une matière qui possède des propriétés particulières dont il faut tenir compte dans la combinaison des œuvres de menuiserie comme dans la combinaison des œuvres de charpente ; les artisans du moyen âge ne se sont pas écartés de ce principe vrai. La connaissance des bois est une des conditions imposées au menuisier ; cette connaissance étant acquise, faut-il encore savoir les employer en raison de leur texture et de leur force. Le bois qui se prête le mieux aux ouvrages de menuiserie est le chêne, à cause de sa rigidité, de la finesse