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[maison]
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dernier reflet de l’art du moyen âge. Après les désastres de la fin de ce siècle, les habitations reviennent à un style plus simple, mais les plans se modifient très-peu et beaucoup de maisons du temps de Henri IV et de Louis XIII reproduisent exactement les plans des habitations antérieures. Ce n’est guère que sous le règne de Louis XIV que les maisons (nous ne parlons pas des hôtels) perdent tout caractère extérieur. Ce sont presque toujours alors des murs unis ou des pans de bois hourdés et crépis, percés de fenêtres carrées, sans rien qui occupe les yeux ; mais aussi les intérieurs se modifient profondément.

La salle, que nous retrouvons dans les habitations jusque vers le commencement du XVIIe siècle, fait place à des chambres. Les surfaces sont divisées ; chacun veut être chez soi, et les habitudes de la vie en commun disparaissent. On comprend comment une famille s’attachait à sa maison lorsque la salle commune, qui même souvent servait de chambre aux maîtres, avait vu naître et mourir plusieurs générations, avait été témoin des fêtes de l’intérieur, avait été longtemps foulée par des pas amis ; on comprend alors comment chaque bourgeois tenait à ce que sa maison fût plaisante, ornée ; mais on ne comprend pas le luxe répandu sur des façades de maisons banales dans lesquelles les habitants ne laissent qu’un souvenir fugitif. Naturellement l’aspect de ces maisons doit être banal comme leur usage. Au point de vue de l’art, est-ce là un progrès ?

Des exemples d’habitations urbaines que nous venons de présenter dans cet article il ressort une série d’observations intéressantes. Le caractère individuel de ces habitations est frappant ; or, nous nous rangeons de l’avis de ceux qui prétendent que l’état moral d’un peuple, sa vitalité est en raison du plus ou moins de responsabilité laissée à chacun. La véritable civilisation, cette civilisation distincte de l’état policé, la civilisation fertile, active, est celle au milieu de laquelle le citoyen conserve la plénitude de son individualité. Les civilisations théocratiques ou despotiques de l’Orient sont destinées à jeter un vif éclat à un moment donné, puis à s’éteindre peu à peu, pour ne jamais plus se relever. Alors, en effet, le citoyen n’existe pas : il y a le souverain, la théocratie ou l’aristocratie ; puis un troupeau d’hommes dont le passage est marqué seulement par ces monuments prodigieux tels que ceux de l’Égypte, de l’Inde ou de l’Asie Mineure. Sous un état pareil, la maison n’existe pas ; entre le palais et la hutte de terre il n’y a pas d’intermédiaire, et encore toutes les huttes de terre se ressemblent-elles et par la forme et par la dimension. Aux races septentrionales qui émigrèrent en Occident, conduisant avec eux ces grands charriots contenant leurs familles, véritables maisons roulantes que l’on fixait au sol le jour où la tribu avait conquis une place, à ces races seules, les Grecs de l’antiquité en tête, il a été donné de bâtir des maisons, c’est-à-dire des habitations indiquant les habitudes

    cieuses façades fussent déposées, à l’abri des intempéries, dans quelque monument public de la ville de Rouen.