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donnée ci-dessus, mais dont la structure se rapproche davantage de celle des habitations suisses dites châlets[1]. On retrouve dans ces maisons (23) des traditions fort anciennes. La manière dont les pans de bois du premier étage sont posés sur la maçonnerie, les sablières doublées sous le comble, appartiennent tout à fait à des constructions primitives de certaines peuplades qui n’employaient que le mode de charpente par empilage, tandis que le tracé de la ferme de face formant auvent et certaines parties des pans de bois se rapprochent des charpentes assemblées si fréquentes dans le nord de la France. Il faut se hâter de faire une étude complète et critique de ces vieux débris des habitations du sol des Gaules, car cette étude peut puissamment aider au classement des races répandues sur ce territoire. Les édifices religieux et les châteaux se sont élevés sous des influences souvent étrangères au sol où nous les trouvons aujourd’hui, tandis que les maisons ont conservé très-tard les traditions primitives des populations indigènes. En Angleterre, par exemple, on ne peut méconnaître que toutes les constructions de bois des XIVe et XVe siècles, nombreuses encore, ont une grande analogie avec l’art de la charpenterie navale. Les assemblages des bois, leur force relative, l’emploi fréquent des courbes, reportent sans cesse l’esprit vers les combinaisons de la charpente des navires ; tandis qu’à la même époque, dans le nord de la France, nous voyons employer un mode de charpente qui ne se compose que de bois de bout et de traverses avec quelques décharges et croix de saint André ; dans l’est, un mode fort ancien et qui appartient plus ou moins à ce noyau de populations qui occupaient tout l’espace compris entre la haute Loire, la Saône, les Alpes et le Jura ; dans l’ouest et le midi, un système de charpente très-restreint, et qui ne se compose que de planchers et de chevronnages, laissant le maçon élever les murs de face, latéraux et de refend.

Nous sommes très-porté à croire que les maisons de certaines contrées au moyen âge ne différaient guère de celles élevées par leurs populations avant la domination romaine ; les Romains n’ont exercé une influence sur le mode de construire les habitations que dans quelques provinces : dans la Provence, une petite partie du Lyonnais, le Languedoc, la Saintonge, l’Angoumois, le Périgord et une partie de la Bourgogne. Partout ailleurs, des traditions remontant à une haute antiquité s’étaient conservées, et, vers le XIVe siècle, sauf dans la Provence et le Languedoc, il s’est fait une réaction définitivement antiromaine, au point de vue de la structure des habitations. Il semblerait qu’à cette époque, la vieille nation gauloise revenait, en construisant ses habitations, à un art dont les principes étaient restés à l’état latent. La féodalité séculière, loin de comprimer ce mouvement, paraît au contraire y avoir aidé, non

  1. La construction des châlets est des plus intéressantes à étudier, et c’est une de celles qui se rapprochent le plus, en Europe, des structures en bois des âges primitifs.