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des ouvrages d’une grande finesse. Quoi qu’il en soit, de ces ateliers du moyen âge, qui nous sembleraient si sombres aujourd’hui, sortaient des ouvrages d’orfèvrerie, des broderies et des tissus dont, avec toute la lumière que nous nous donnons, nous atteignons difficilement la délicatesse. Ce sont là des questions d’habitude, et de ce qu’un ouvrier s’est habitué dès l’enfance à travailler sous un jour douteux, il ne s’ensuit pas que cet ouvrier est un maladroit. De ce que nos pères voyaient représenter le Cid de Corneille à la lueur des chandelles, il ne faudrait pas en conclure qu’ils appréciaient moins vivement le chef-d’œuvre du poëte tragique. Laissons donc là, une fois pour toutes, ces reproches adressés aux architectes des maisons du moyen âge d’en avoir fait des réduits sombres, inhabitables ; sombres et inhabitables pour nous, soit ; mais les citadins de ce temps les trouvaient commodes et suffisamment claires. Cela est indépendant de la question d’art ; le plus ou moins de qualité architectonique d’une façade de maison ne dépend pas de la plus ou moins grande largeur de la rue sur laquelle elle s’élève. Nous en avons la preuve tous les jours.

Voici (20) une de ces maisons élevées en maçonnerie et bois que nous avons dessinée à Châteaudun en 1841. Le rez-de-chaussée et le premier étage sont élevés en pierre, les murs mitoyens en moellon ; le mur du fond, sur une cour, également en pierre. Au rez-de-chaussée (voir le plan A) s’ouvre sur la rue un vaste magasin avec poteau central et bout de mur de refend B. Une poutre maîtresse porte sur un corbeau de la pile du milieu de la façade, sur le poteau central et sur la tête de ce tronçon de mur de refend ; il reçoit le solivage. Un escalier à vis, ajouré, monte au premier et au second étage. Du couloir C, on passe dans la cour D et dans une arrière-salle E. Au premier étage, la distribution est pareille ; seulement la poutre maîtresse passe à travers les murs de face et reçoit les entraits de la charpente. Pour obtenir le plus de lumière possible sur la rue, le constructeur a bandé deux arcs de décharge dans l’épaisseur du mur de face, et sous ces arcs il a posé de véritables châssis en pierre très-ajourés. L’étage de comble est divisé en deux pièces dans l’épaisseur du bâtiment. On observera qu’une ferme de la charpente est en saillie sur le mur de face, afin de bien l’abriter. Cette ferme repose sur les bouts des sablières soulagées par des liens et sur l’about de la filière d’axe également soulagée par un lien. Les solivages des planchers sont posés aux niveaux G et H. La construction de cette maison appartient au commencement du XIVe siècle. Toutefois, dans cet exemple, l’étage de comble en bois n’est pas posé en encorbellement.

La figure 21 donne le plan et l’élévation d’une maison de Laval d’une époque un peu plus récente, mais où la structure de bois prend plus d’importance et s’élève en encorbellement sur le rez-de-chaussée. Cette maison, dont la façade s’élève sur une rue ayant une forte pente, est divisée pour deux ménages. La pente de la rue a permis au constructeur de donner un entre-sol A à l’habitant de gauche, les solivages des plan-