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façades étaient entièrement construites en pierre. Sur la place de la petite ville de Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne), qui possède une si belle maison municipale du XIIe siècle (voy. Hôtel-de-Ville), on voit encore un assez grand nombre de maisons du XIIIe siècle d’une apparence monumentale[1]. Ces maisons sont spacieuses, profondes, possédant des façades assez étendues, remarquablement construites. Le rez-de-chaussée est occupé par des magasins ou boutiques, le premier et le second étage sont occupés sur la rue par une grande salle sur le devant avec un escalier et petite salle annexe donnant sur une ruelle, comme à Montpazier. Voici (8) la façade d’une de ces maisons donnant sur la place de la ville.

Les arcades du rez-de-chaussée servaient de lieu de vente les jours de marché, ainsi que cela se pratique encore dans beaucoup de localités. Alors des rideaux étaient tendus sous les arcs pour abriter vendeurs et acheteurs. Les grandes salles du premier et du second étage sont éclairées largement par des arcatures continues, qui à l’intérieur forment quatre fenêtres séparées par des trumeaux étroits. Au sommet de la maison, sous le comble, est le galetas où habitaient les gens, où l’on mettait les provisions. On observera que les pieds-droits des fenêtres du premier et du second étage sont garnis, à la hauteur des naissances, d’anneaux de fer avec crochets. Ces anneaux étaient destinés à recevoir des perches auxquelles étaient fixées des bannes. Cet usage s’est perpétué dans le midi de la France, en Italie et en Espagne. La fig. 9 reproduit la disposition de ces bannes.

En A est un des anneaux-crochets scellés dans la maçonnerie. Les bannes étaient divisées par travées, ainsi que les perches qui s’emmanchaient l’une dans l’autre (voir le détail B). Des perches-étais C soulevaient les extrémités des toiles dont le mouvement et le déversement étaient maintenus par des cordelles passant dessous, en croix de saint André, et venant se fixer par des anneaux aux crochets D. Une large pente froncée tombait sur le devant, autant pour arrêter les rayons du soleil que pour donner du poids à la partie inférieure de la banne et obliger ainsi les perches-étais C à rester inclinées.

La petite ville de Cordes, entre Saint-Antonin et Gaillac, a conservé presque toutes ses maisons qui datent des XIIIe et XIVe siècles et se rapprochent, par leur style d’architecture et leurs dispositions intérieures, de celle que nous venons de décrire. Mais ces villes des bords de la Garonne, du Tarn, du Lot et de l’Aveyron, étaient profondément pénétrées de l’esprit communal, ou plutôt n’avaient jamais abandonné les traditions municipales de l’époque gallo-romaine ; la plupart ont conservé des restes d’habitations privées qui indiquent une administration locale très-déve-

  1. Saint Louis acheta du comte de Toulouse la ville de Saint-Antonin, moyennant 1 500 livres tournois. La maison que nous donnons est un peu postérieure à l’époque de cette acquisition.