Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[maison]
— 215 —

En effet, l’art de la charpente, l’emploi exclusif du bois dans la construction n’appartient qu’aux races indo-germaniques. Le bois enrichi de peintures joue un rôle important dans la construction de l’époque mérovingienne, et les incendies fréquents qui détruisirent des villes tout entières pendant les premiers siècles du moyen âge témoignent assez de l’emploi presque exclusif de la charpente dans les constructions privées.

De ces habitations antérieures au XIe siècle, il ne reste rien aujourd’hui ; on ne peut donc s’en faire une idée qu’en recueillant les renseignements laconiques donnés par les écrivains, les vignettes de manuscrits, fort imparfaites, et quelques bas-reliefs. Mais, si vagues que soient ces documents, ils n’en sont pas moins concluants sur un point important, à savoir que les maisons des premiers temps du moyen âge étaient faites de bois, que ces constructions de bois étaient un mélange de charpenterie et d’empilages de pièces assemblées aux angles ; et ce point mérite toute notre attention. Expliquons-nous. Il y a deux manières de construire en employant exclusivement le bois : ou l’on peut empiler les uns sur les autres des troncs d’arbres équarris en les embrévant aux retours d’équerre ; ou l’on peut, par des combinaisons plus ou moins ingénieuses, en se servant du bois tantôt comme support rigide, tantôt comme chaîne, tantôt comme décharge, tantôt comme simple remplissage, obtenir des pans de bois d’une extrême solidité, très-légers et permettant d’élever les constructions à de grandes hauteurs. La première de ces méthodes n’exige pas de la part des constructeurs de grands efforts d’intelligence ; nous la voyons suivie encore chez les peuples slaves, tandis que la seconde n’appartient qu’aux races blanches pures ; nous la voyons pratiquée à l’origine chez tous les peuples descendus des plateaux septentrionaux de l’Inde, chez les Scandinaves, chez les Francs, chez les Normands. Les renseignements que l’on peut réunir sur les habitations des époques mérovingienne et carlovingienne nous laissent voir quelques traces de la méthode des constructions de bois, par empilage, une connaissance assez développée de la construction de bois de charpente assemblés et des traditions gallo-romaines.

À l’époque où nous pouvons commencer à recueillir des fragments d’habitations françaises, c’est-à-dire à la fin du XIe siècle, nous constatons encore la présence de ces influences diverses, tenant d’une part à la civilisation latine, de l’autre aux traditions indo-germaniques plus ou moins pures. Il se produit même, dans l’art de la construction des maisons en France, au moyen âge, des oscillations singulières qui dépendent de la prédominance du caractère gaulois ou germain sur les restes de la civilisation latine, ou de celle-ci sur les traditions locales et sur les goûts des envahisseurs transrhénans.

Ainsi, au XIIe siècle, pendant le plus grand développement de l’institut monastique clunisien et cistercien, dans les villes où domine l’influence de nos abbayes, la maison est construite en maçonnerie, la tradition