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[mâchicoulis]
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Toute cette construction est faite en belles pierres d’appareil de lave, et il semble qu’elle date d’hier. Son effet extérieur est saisissant. Ces mâchicoulis, en façon de larges rainures, appartiennent particulièrement aux provinces méridionales et ont précédé de près d’un siècle les mâchicoulis du nord qui consistent en une suite de trous carrés ménagés entre des consoles. Nous verrons tout à l’heure des mâchicoulis en forme de rainures dans des défenses du XIVe siècle, appartenant à la cathédrale de Béziers.

Les mâchicoulis de la grande salle du Puy ne sont pas d’ailleurs les seuls de ce genre que l’on trouve en Auvergne. L’église de Royat, près de Clermont, est couronnée par des mâchicoulis dont le style et la construction méritent d’être étudiés. Alors, les architectes chargés de diriger des travaux militaires ne croyaient pas que la laideur ou la vulgarité des formes fût une des conditions du programme imposé, sous le prétexte de tout sacrifier à l’utile. Parce que l’art entrait pour quelque chose dans leur composition, ces défenses ne perdaient rien de leur force ; souple, prêt à satisfaire à tous les besoins et même à les indiquer, l’artiste savait plaire aux yeux par l’étude attentive et vraie des moindres détails. Certes, dans des travaux destinés à la défense d’une place ou d’un poste, quand l’art, comme chez les Chinois, intervient pour sculpter ou peindre, sur les créneaux, des monstres hideux, destinés à épouvanter les assaillants, on peut rire de ses inspirations ; mais quand, au contraire, loin de s’amuser à ces puérilités, l’art, se soumettant à toutes les exigences de la défense, sait donner aux moindres détails une forme belle, indiquant clairement leur destination ; quand il ne cherche autre chose que la structure la mieux raisonnée, la plus solide, on peut admettre qu’il est bon de lui laisser prendre sa place. Or, il est donné à l’art seul d’exprimer par des formes convenables tous les besoins, même les plus vulgaires, et nous ne verrions nul inconvénient à ce que, dans nos défenses modernes, l’aspect extérieur fût d’accord avec la réalité[1]. Couronner aujourd’hui une porte, une caserne, un ouvrage défendu par des mâchicoulis, cela serait ridicule ; mais il l’est tout autant, au moins, de donner à ces ouvrages militaires l’aspect d’un hôtel, de les entourer de pilastres romains, de les terminer par des corniches profilées suivant les règles de Vignole, et de border leurs baies de chambranles empruntés aux traités d’architecture qui remplissent les étalages des marchands de gravures. Tous les exemples des diverses parties de l’architecture du moyen âge que nous donnons dans cet ouvrage font assez voir que chacune de ces parties remplit exactement une fonction, et qu’on ne saurait confondre un détail d’un édifice militaire avec un détail d’un édifice civil ou

  1. Combien est-il de nos casernes casematées qui ont l’apparence de maisons de carton ? Telles qu’elles sont, nous admettons qu’elles résisteraient parfaitement aux effets des bombes ; mais à voir, à l’extérieur, leur maigre structure, personne ne leur prête les qualités robustes qu’elles possèdent.