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distances égales. Le mâchicoulis continu était ouvert soit le long du parement de la tour, en B, soit le long des madriers de garde, en C, suivant le lieu et l’occasion ; voici pourquoi : les bases des tours (comme celles des courtines) sont montées en talus, sauf de rares exceptions. Le talus finissait ordinairement au niveau de la crête de la contrescarpe du fossé. Si l’assaillant parvenait à combler le fossé, il arrivait au sommet du talus, en G, comme l’indique le tracé M. Alors le mâchicoulis percé en C ne battait pas verticalement les mineurs attachés en G ; il était donc nécessaire d’avoir un mâchicoulis, en B, le long du parement même de la tour. Si, au contraire, le mineur s’attachait à la base de la tour, au fond du fossé en F, il fallait ouvrir un mâchicoulis en C, directement au-dessus de lui, car les projectiles tombant par le mâchicoulis B, ricochant sur le talus, devaient décrire une parabole ab par-dessus la tête des mineurs. Mais si l’assaillant se présentait en masse à la base d’une tour ou d’une courtine, garanti par une galerie roulante, une gate, le projectile tombant verticalement du mâchicoulis B lui causait plus de dommages en ricochant, car il pouvait entrer ainsi sous la gate. En P, nous donnons une vue perspective du sommet d’une tour de la fin du XIIIe siècle, faisant partie de l’enceinte de la cité de Carcassonne, avec ses hourds posés et en partie recouverts de peaux fraîches, afin d’éviter l’effet des projectiles incendiaires sur toutes les pièces saillantes du hourdage.

Mais, dès la première moitié du XIIIe siècle, on avait déjà cherché à parer, au moins en partie, aux dangers d’incendie que présentaient ces hourds saillants posés sur des solives en bascule, et contre lesquels les assaillants lançaient une quantité de barillets de feux grégeois, de dards garnis d’étoupe, de résine ou de bitume enflammés, toutes matières qui, par leur nature, pouvaient s’attacher aux charpentes et produire un feu très-vif que l’eau ne pouvait éteindre. Nous voyons déjà, au sommet des tours élevées à Coucy par Enguerrand III de 1220 à 1230, des consoles en pierre destinées à la pose des hourds de bois. La combinaison de ces hourds est très-apparente et fort ingénieuse au sommet du donjon de Coucy (voy. Donjon, fig. 39). Le pied des hourds de ce donjon célèbre, le plus grand de tous ceux que possède l’Europe, est à 40 mètres au-dessus de la contrescarpe du fossé. Et bien qu’à cette hauteur les assiégés n’eussent pas à redouter les projectiles incendiaires, ils ont établi, tout autour de l’énorme cylindre, quarante-huit consoles de pierre de 1m,07 de saillie sur 0,30 c. d’épaisseur, pour asseoir le hourdage dont notre fig. 6 donne la coupe en A. En B, on voit l’une des consoles formées de deux assises chacune. Sur ces consoles, en temps de guerre, reposait un patin C, recevant deux poteaux inclinés DE. Des moises F, posées un peu au-dessus du niveau de la ventrière des créneaux, servaient à porter un plancher destiné aux arbalétriers. En avant de ce plancher était ouvert un mâchicoulis G à l’aplomb de la base du talus du donjon au fond du fossé. Suivant le système précédemment expliqué, des madriers de garde