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entre les madriers de face permettaient de viser. Ainsi des arbalétriers postés sur les hourds pouvaient envoyer des projectiles par des meurtrières multipliées et jeter des pierres par le mâchicoulis K sur les assaillants. Du chemin de ronde, d’autres arbalétriers ou archers avaient encore les meurtrières à demeure L, par lesquelles, au-dessous des hourds, ils envoyaient des traits aux assiégeants. La communication du chemin de ronde avec le hourd s’établissait de plain-pied par les crénelages, dont les merlons sont assez élevés pour permettre à un homme de passer. La couverture était faite de forts madriers sur lesquels on posait de la grande ardoise ou de la tuile, et si on craignait l’envoi de projectiles incendiaires, des peaux fraîches, de grosses étoffes de laine, du fumier ou du gazon. Ce blindage était fait au sommet des courtines et tours de toute place forte destinée à subir un siège en règle, le crénelage en maçonnerie ne servant qu’en temps de paix et pour la garde ordinaire. Par le fait, les créneaux étaient autant de portes qui mettaient les hourds en communication avec le chemin de ronde sur un grand nombre de points ; et si le hourdage venait à brûler ou à être détruit par les pierriers de l’assiégeant, il restait encore debout une défense de maçonnerie offrant une dernière protection aux soldats qui garnissaient les remparts.

Ces sortes de hourds n’étaient pas généralement posés à demeure, mais seulement en temps de guerre. En temps de paix, ces charpentes étaient facilement démontées et rangées à couvert dans les tours et dans les nombreux réduits disposés le long des remparts, à l’intérieur. Aussi, pour faciliter la pose et pour éviter de numéroter les pièces, de les classer et de les chercher, les trous de hourds sont percés à des distances égales, sauf dans certains cas exceptionnels, de sorte que tous les madriers de garde, formant parement, coupés de longueur, glissaient indifféremment entre les montants doubles assemblés à l’extrémité des solives en bascule. On comprend dès lors comment la pose des hourds pouvait être rapidement exécutée. En effet, les montants doubles de face posés (2), et dont la section est tracée en A, le charpentier n’avait qu’à laisser couler entre eux les madriers de garde, ainsi qu’on le voit en B. Si des pierres d’un fort volume, lancées par les machines de l’assiégeant, avaient rompu quelques madriers, on pouvait de même les remplacer promptement et facilement du dedans des hourds pendant la nuit, sans avoir besoin ni de clous ni de chevilles.

Cependant, quelquefois, les hourds étaient à demeure, particulièrement au sommet des tours ; alors on les hourdait en maçonnerie comme des pans de bois, ou on les couvrait d’ardoises. Il existe encore, dans le château de Laval, une tour du XIIe siècle qui a conservé un hourdage supérieur dont la construction paraît remonter au XIIIe siècle. Ce hourdage fait partie du comble et se combine avec lui (3). C’est un bel ouvrage de charpenterie exécuté en beau et fort bois de chêne. Suivant l’usage de cette époque, chaque chevron de la charpente est armé, porte