Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 5.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[donjon]
— 90 —

tours et les défenses du château par les chemins de ronde. Logis d’habitation se défendant lui-même, soit du côté de la cour K, soit du côté de l’entrée du château, au moyen de crénelages et mâchicoulis à la base des pignons. Ce logis, bien protégé du côté du dehors, masqué, flanqué, n’ayant qu’une seule entrée pour les appartements, celle du perron, et cette entrée, placée dans la cour d’honneur, commandée par une des faces de la tour carrée. Impossibilité à toute personne n’étant pas familière avec les distributions du logis de se reconnaître à travers ces passages, ces escaliers, ces détours, ces issues secrètes ; et pour celui qui habite, facilité de se porter rapidement sur tous les points de la défense, soit du donjon lui-même, soit du château. Facilité de faire des sorties si l’on est attaqué. Facilité de recevoir des secours ou provisions par la poterne B, sans craindre les surprises, puisque cette poterne s’ouvre dans une première cour qui est isolée, et ne donne dans la cour principale que par une seconde poterne dont la herse et la porte barrée sont gardées par les gens du donjon. Belles salles bien disposées, bien orientées, bien éclairées ; appartements privés avec cabinets, dégagements et escaliers particuliers pour le service. Certes, il y a loin du donjon de Coucy, qui n’est qu’une tour où chefs et soldats devaient vivre pêle-mêle, avec ce dernier donjon, qui, encore aujourd’hui, serait une habitation agréable et commode ; mais c’est que les mœurs féodales des seigneurs du XVe siècle ne ressemblaient guère à celles des châtelains du commencement du XIIIe.

Nous complétons la série des plans du donjon de Pierrefonds par une élévation géométrale de ce logis (44) prise du côté de la poterne sur la ligne QZ des plans. En A, on voit la grosse tour du coin ; en B, la tour carrée ; entre elles, les deux pignons crénelés des salles ; en C est la tour de la chapelle, dans laquelle les habitants du donjon pouvaient se rendre directement en passant par la tour carrée et le petit escalier à vis marqué M sur les plans, sans mettre les pieds dehors. On voit la haute courtine de garde, entre la grosse tour de coin et celle de la chapelle, qui masque la cour isolée R. Au milieu de cette courtine est la poterne relevée qui communiquait avec un ouvrage avancé en passant par-dessus la porte D de la rampe extérieure du château. Comme construction, rien ne peut rivaliser avec le donjon de Pierrefonds ; la perfection de l’appareil, de la taille, de la pose de toutes les assises réglées et d’une épaisseur uniforme de 0,33 c. (un pied) entre lits, est faite pour surprendre les personnes qui pratiquent l’art de bâtir. Dans ces murs d’une hauteur peu ordinaire et inégaux d’épaisseur, nul tassement, nulle déchirure ; tout cela a été élevé par arasements réguliers ; des chaînages, on n’en trouve pas trace, et bien qu’on ait fait sauter les deux tours rondes par la mine, que les murs aient été sapés du haut en bas, cependant les parties encore debout semblent avoir été construites hier. Les matériaux sont excellents, bien choisis, et les mortiers d’une parfaite résistance[1]. Les traces nombreuses de boiseries,

  1. L’Empereur Napoléon III a reconnu l’importance des ruines de Pierrefonds, au