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[fourches]
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E est tracée la coupe faite sur ab montrant le degré, avec les murs d’échiffre réparés en 1425, et la porte, munie de vantaux, dont parle Sauval. On dressait les échelles au moment des exécutions, et celles-ci étaient vraisemblablement déposées sur la plate-forme.

Parfois la cave destinée à servir de dépôt pour les restes des suppliciés se trouvait tellement encombrée, la plate-forme jonchée de débris, les chaînes garnies d’ossements, qu’il fallait faire une vidange générale et enterrer ces restes corrompus ou desséchés. Cette opération était nécessaire, par exemple, lorsqu’il fallait remplacer les poutres, ce qui avait lieu assez fréquemment.

Au bas de l’éminence sur laquelle s’élevait le gibet de Montfaucon vers le couchant, une croix de pierre avait été dressée, disent quelques auteurs, par Pierre de Craon, en mémoire de l’ordonnance que ce seigneur avait obtenue de Charles VI en 1396, et par laquelle des confesseurs étaient accordés aux condamnés. Mais cette croix semblerait plutôt avoir été placée là, en 1403, à la suite de l’exécution de deux écoliers de l’Université ordonnée par le prévôt de Paris. En effet, Monstrelet[1] rapporte ainsi le fait : «…Messire Guillaume de Tigouville, prévost de Paris, feit exécuter deux des clercs de l’Université : Est à sçavoir : un nommé Legier de Monthilhier, qui estoit Normant ; et l’autre nommé Olivier Bourgeois, qui estoit Breton : lesquels estoient chargez d’avoir commis plusieurs larcins en divers cas. Et pour ceste cause nonobstant qu’ils fussent clercs, et qu’en les menant à la justice criassent hault et clair, clergie, affin d’estre recoux ; neantmoins (comme il est dit) furent exécutez et mis au gibet ; et depuis par les pourchats de l’Université, fut iceluy prévost privé de tout office royal. Et avec ce fut condamné de faire une croix de pierre de taille, grande et eslevée, assez près du gibet, sur le chemin de Paris ; où estoient les images d’iceux deux clercs, entaillées. Et outre les feit despendre d’iceluy gibet, et mettre sur une charrete couverte de noir drap : et ainsi accompaigné de ses sergens et autres gens portant torches de cire, allumées ; furent menez à S. Mathurin et là rendus par le prévost au recteur de l’Université… » Nous donnons (2) une vue de cet édifice du côté de l’arrivée faisant face au sud-ouest. Le degré étant placé, bien entendu, par derrière, les condamnés étaient amenés sur la plate-forme après avoir fait le tour du massif de maçonnerie. En bas de notre figure est placée la croix de Guillaume de Tigouville, indiquée d’ailleurs dans la tapisserie de l’Hôtel de ville.

La figure 3 présente le gibet du côté de l’entrée.

Il ne paraît pas qu’il ait existé sur le territoire de la France d’autres fourches patibulaires d’un aspect aussi monumental. À Paris, elles n’étaient pas les seules : il existait un gibet hors de la porte Saint-Antoine, un sur le terrain de la Cité derrière l’Évêché, un sur l’emplacement occupé

  1. Chroniques, ch. XIII.