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ment du XVIIe siècle), la coutume s’est introduite en quantité de paroisses, et particulièrement de la campagne, de sonner les cloches après le baptême des enfants. Ce sont, à mon avis, les sonneurs, les sacristains, les fossoyeurs, les bedeaux, qui l’ont introduite, par la considération de l’intérêt bursal qui leur en revient… Le concile provincial de Reims, en 1583, n’autorise pas cette coutume… »

Jusqu’au IXe siècle, il paraîtrait qu’on ne baptisait solennellement que les jours de Pâques et de la Pentecôte ; du moins cet usage semble-t-il avoir été établi à dater du Ve siècle, car il est certain que dans les premiers siècles du christianisme les apôtres baptisaient sans observer ni les jours ni les temps[1]. Clovis fut baptisé le jour de Noël[2]. Le pape saint Léon, qui s’élève avec force contre la coutume de baptiser en autres temps que le jour de la Résurrection, admet toutefois que le baptême peut être donné, en des cas extrêmes, hors le jour consacré.

Pascalin, évêque de Lilybée en Sicile, fait savoir au pape saint Léon, en 443, qu’il y avait, dans cette île, une église (du village de Meltines) dont les fonts se remplissaient miraculeusement tous les ans, la nuit de Pâques, à l’heure du baptême, sans qu’il y eût ni tuyau, ni canal, ni eau dans les environs. Après le baptême, cette eau disparaissait. Ajoutons, cependant, que saint Augustin dit clairement que le baptême pouvait être donné en tout temps : Per totum annum, sicut unicuique vel necessitas fuit vel voluntas

La solennité donnée au sacrement du baptême explique pourquoi, dans le voisinage des églises les plus anciennes, il y avait un baptistère ; c’est-à-dire un édifice assez spacieux pour contenir un certain nombre de catéchumènes venant le même jour pour recevoir le baptême. Ces édifices étaient ordinairement circulaires, occupés au centre par un bassin peu profond dans lequel on faisait descendre les personnes que l’on baptisait par immersion[3].

La coutume de baptiser les enfants peu après leur naissance, en tout temps, prévalut sur les défenses de saint Léon et des conciles de Tolède, d’Auxerre, de Paris et de Gironne ; dès le XIe siècle, nous voyons que des cuves baptismales sont placées dans toutes les églises, non dans des édifices spéciaux, et que le baptême est donné par les prêtres, en dehors des fêtes de Pâques, de la Pentecôte ou de Noël. C’est précisément la date

  1. Primum omnes docebant, et omnes baptizabant quibuscumque diebus vel temporibus fuisset occasio (Auctor sub nomine Ambrosii, in Epist. ad Ephes., cap. IV). Voy. Guillaume Durand, trad., édit. de M. Barthélemy. Notes, t. IV, p. 430 et suiv.
  2. Lettre de Saint-Avit, évêque de Vienne, à Clovis.
  3. Il existe un baptistère à côté de la basilique de Saint-Jean-de-Latran à Rome ; on a depuis peu découvert celui qui était proche de l’ancienne cathédrale de Marseille, du Ve siècle. On voit encore ceux des cathédrales d’Aix en Provence et de Fréjus. L’édifice placé sous le vocable de saint Jean, à Poitiers, paraît avoir servi de baptistère pendant les Ve et VIe siècles.