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de cette époque[1]. À Rouen, il existe encore un assez joli monument de ce genre qui date du milieu du XVe siècle[2]. Lorsque les fontaines gothiques étaient adossées à une construction civile, elles ne se composaient que d’une petite vasque et d’un goulot posé dans un renfoncement pratiqué à même la muraille ; aussi modestes que le sont nos bornes-fontaines, elles étaient seulement faites pour satisfaire aux besoins journaliers des habitants. Le moyen âge ne voyait nul inconvénient à mettre un peu d’art dans ses œuvres les plus vulgaires ; aujourd’hui, si nous poussons jusqu’à l’exagération la richesse et le luxe des monuments décoratifs de nos cités, nous rachetons ce défaut, si c’en est un, par la pauvreté et la banalité des objets les plus utiles, comme le sont nos bornes-fontaines, nos candélabres, nos supports d’éclairage.

FONTS, s. m. S’emploie au pluriel. Fonts baptismaux. Cuve destiné à contenir l’eau du baptême. Il y a lieu de supposer que, dans les premiers temps de l’Église, le baptême se donnait par aspersion, puisque les apôtres baptisaient des royaumes et des provinces entières, des milliers de personnes en un jour[3]. Le baptême se fit ensuite par infusion[4] ; puis par immersion. Les Ariens plongeaient trois fois le catéchumène dans l’eau pour marquer qu’il y avait trois natures aussi bien que trois personnes en Dieu. Saint Grégoire le Grand conseille à saint Léandre, évêque de Séville[5], de ne pratiquer qu’une immersion. Le quatrième concile de Tolède, en 633, a décidé la même chose et, rapportant la lettre de saint Grégoire, il déclare qu’une seule immersion signifie la mort et la résurrection de Jésus-Christ, et l’unité de la nature divine dans la trinité des personnes[6]. Sans entrer dans de plus amples détails à ce sujet, nous nous contenterons d’observer que, pendant le cours du moyen âge, en Occident, le baptême par immersion fut toujours pratiqué. Les bas-reliefs, les peintures des manuscrits et des vitraux nous montrent les catéchumènes baptisés par immersion. « Autrefois, dit Thiers[7], dans la province de Reims, et peut-être aussi ailleurs, après le baptême on donnait du vin à boire à l’enfant, en lui disant ces paroles : Corpus et sanguis Domini nostri Jesu Christi custodiat te in vitam æternam. C’était encore l’usage du Périgord de bénir du vin après le baptême et d’en faire boire à l’enfant nouvellement baptisé. Le rituel de Périgueux, de 1536, nous marque toute cette cérémonie. » Cet auteur ajoute plus loin : « Depuis un peu plus d’un siècle (c’est-à-dire depuis le commence-

  1. Poésies de Guillaume de Machaut, ms. app. à M. Guillebon. Aire-sur-la-Lys.
  2. Fontaine dite de la Pucelle.
  3. Saint-Luc. Actes, ch. 2 et 4.
  4. Arcudius. De Sacram. LI.
  5. L. III, Épist. XLI.
  6. C. VI.
  7. Des Superstitions, t. II, ch. XII.