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la poussée des voûtes mal contre-buttées, qu’ils voulurent cependant faire en sorte d’éviter ces sinistres ; à cet effet, ils mirent un soin particulier à établir des fondations durables et à rendre leurs constructions assez élastiques pour que les tassements ne fussent plus à craindre. Mais si habile que nous supposions un architecte, faut-il qu’on lui fournisse les moyens matériels de construire ; or, dans l’édification des grandes cathédrales et de beaucoup d’églises, l’empressement et le zèle des évêques ne correspondaient pas toujours à l’étendue de leurs ressources financières ; alors le clergé séculier tenait surtout à faire paraître son influence : il s’agissait pour lui d’amoindrir la puissance des monastères, d’attirer à lui les fidèles ; dans bien des cas on voulut donc, avec des moyens relativement insuffisants, élever des édifices religieux qui pussent dépasser en étendue et en richesse les églises des moines Bénédictins. C’est ce qui explique pourquoi quelques-unes de nos grandes cathédrales, comme celles de Troyes, de Châlons-sur-Marne, de Séez, de Meaux, sont mal fondées. Il fallait élever rapidement des édifices somptueux, d’une belle apparence, et, les ressources étant relativement médiocres, on ne voulait pas les enfouir en grande partie au-dessous du sol. D’autres cathédrales, élevées au milieu de diocèses riches, comme celles de Paris, de Reims, d’Amiens, de Bourges, sort au contraire fondées avec un luxe de matériaux extraordinaire. Quant aux châteaux, quant aux constructions militaires et civiles, elles sont toujours bien fondées ; les seigneurs laïques comme les municipalités tenaient moins à l’apparence, voulaient des constructions durables, parce que le châtelain construisait pour se garder lui et les siens à perpétuité, que les villes bâtissaient pour une longue suite de générations.

Les fondations de la période romane sont toujours faites en gros blocages jetés pêle-mêle dans un bain de mortier ; rarement elles sont revêtues. Les fondations des constructions gothiques sont au contraire souvent revêtues de parements de pierres de taille (libages) posées par assises régulières et proprement taillées ; les massifs sont maçonnés en moellons bloqués dans un bon mortier. Ces fondations sont (quand les ressources ne manquaient pas) très-largement empattées et s’appuient sur des sols résistants. Il faut dire cependant, à ce sujet, que les constructeurs gothiques n’avaient pas les mêmes scrupules que nous : quand ils trouvaient un sol de remblai ancien, bien comprimé et tassé par les eaux, ils n’hésitaient pas à s’établir dessus. D’anciennes vases, des limons déposés par les eaux, des remblais longtemps infiltrés, leur paraissaient être des sols suffisants ; mais aussi, dans ce cas, donnaient-ils à la base des fondations une large assiette. Ils ne manquaient jamais de relier entre eux tous les murs et massifs en fondation ; c’est-à-dire que, sous un édifice composé de murs et de piles isolées, par exemple, ils formaient un gril de maçonnerie sous le sol, afin de rendre toutes les parties des fondements solidaires. Pendant les XIVe et XVe siècles, les fondations sont toujours établies avec un soin extrême sur le sol vierge, avec libages sous les points d’appui