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[flèche]
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flèche dépourvue de sa décoration, et, du côté gauche, la flèche décorée. En A est une des quatre fermes correspondant aux fermes diagonales ; on observera l’inclinaison des poteaux formant les arêtes de cette flèche au-dessous de la pyramide supérieure, qui ne se dégage qu’au niveau B. Cette inclinaison, y compris les retraites successives, n’a pas moins de 0,80 c. dans une hauteur de 15m,00 ; et cependant, par l’effet de la perspective, à peine si l’on aperçoit une diminution dans le corps de la flèche autre que celle produite par les retraites C. Bien mieux, si les huit angles de l’octogone étaient montés d’aplomb, le corps de la flèche paraîtrait plus large sous la pyramide supérieure qu’à sa base. L’illusion de l’œil est ici d’accord avec les conditions de stabilité ; en effet, ces huit angles, qui tendent à se rapprocher du poinçon à mesure qu’ils s’élèvent, conduisent l’œil à la forme pyramidale prononcée du couronnement, et forment en même temps une suite d’étais qui maintiennent l’arbre central dans la verticale. Par l’effet singulier du contraste des lignes verticales et inclinées se détachant sur le ciel à une grande hauteur, si les pinacles D qui terminent les poteaux d’angle étaient verticaux, vus à côté des arêtiers de la pyramide supérieure, ils sembleraient s’écarter en dehors. Il faut que, dans un monument aussi élevé et dont la forme générale est aussi grêle, toutes les lignes tendent à s’incliner vers l’axe, si l’on veut que rien dans l’ensemble ne vienne contrarier la silhouette. Nous donnons, en E, le couronnement de la flèche, dont la pomme F est à 45m,00 au-dessus du faîtage du comble. Nous avons dit que la charpente, en s’élevant, se composait de pièces de plus en plus légères, mais assemblées avec plus de force. En examinant l’enrayure tracée en G, on reconnaîtra combien elle présente de résistance ; ce système est adopté pour les quatre enrayures indiquées en G dans le géométral A. Cette enrayure se compose de moises assemblées à mi-bois, ainsi que le fait voir le détail I, se coupant à angle droit, pinçant le poinçon, quatre arêtiers, et roidies par des goussets K de manière à former un carré ; immédiatement au-dessous, une seconde enrayure contrariant celle-ci et combinée de la même manière produit, en projection verticale, une étoile à huit pointes, qui donne la section de la pyramide. Non-seulement ce système présente une grande résistance, mais il a l’avantage de donner à la pyramide des ombres toujours accusées qui la redressent à l’œil et lui donnent une apparence plus svelte. Lorsque les pyramides des flèches aussi aiguës sont élevées sur une section simplement octogonale, si le soleil frappe d’un côté, une partie de la pyramide est entièrement dans le clair et l’autre dans l’ombre ; à distance, le côté clair se confond avec le ciel et le côté ombré donne une ligne inclinée qui n’est point balancée, de sorte que la pyramide paraît être hors d’aplomb. Les grands pinacles avec leurs crochets qui fournissent toujours des points ombrés et brillants tout autour de la pyramide, du côté du clair comme du côté opposé à la lumière, contribuent encore à éviter ces illusions de l’œil qui sont produites par des masses d’ombres opposées sans rappel de lumière à des masses claires sans rappel d’ombre. Nous ne saurions trop le répéter :