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ture civile française jusqu’au commencement du XVIIe siècle, parce que jusqu’alors les croisées s’ouvraient par petites parties, et qu’on ne supposait pas qu’il fût commode de manœuvrer des châssis et des volets de trois mètres de hauteur. Ducerceau nous montre encore les fenêtres du Louvre, de François Ier et de Henri II, avec des meneaux de pierre. Des meneaux garnissent également les baies du palais des Tuileries. La suppression de ces accessoires, reconnus nécessaires jusque sous le règne de Louis XIV, a changé complètement le caractère de cette architecture en lui retirant son échelle ; les croisées de menuiserie n’ont pas l’aspect monumental des meneaux de pierre, sans pour cela donner plus de jour à l’intérieur des appartements (voy. Maison, Palais).

FERME, s. f. Constructions rurales destinées à l’exploitation d’un domaine. Les Romains étaient fort amateurs d’établissements ruraux, et dans le voisinage de leurs villæ, quelquefois dans leur enceinte même, ils possédaient des bâtiments destinés à conserver les récoltes, à loger les colons et à renfermer des bestiaux. Les chefs francs paraissent avoir voulu prendre ces habitudes lorsqu’ils s’emparèrent du sol des Gaules ; mais leur mépris pour le travail manuel et pour ceux qui s’y livraient, leur goût pour les armes et la vie d’aventures ne leur permettaient guère de s’occuper des détails de la vie des champs. S’ils faisaient approvisionner dans leurs villæ des amas de grains, de vin, de fourrages et de produits de toute sorte, c’était pour les consommer avec leurs compagnons d’armes, et pour dilapider en quelques nuits d’orgies la récolte d’une année. On comprend que ces mœurs n’étaient pas propres à encourager la culture et l’établissement de bâtiments destinés à l’exploitation méthodique.

Les monastères, vers le commencement du XIe siècle, s’occupaient déjà sérieusement de la culture en grand. Ils construisirent des granges, des celliers, des pressoirs, des étables ; ils firent des travaux d’irrigation importants, et s’appliquèrent à améliorer les terres, à défricher les bois, à réunir de nombreux troupeaux. À vrai dire, même les premiers monastères bâtis par les Clunisiens ressemblaient plus à ce que nous appelons une ferme aujourd’hui qu’à toute autre chose (voy. Architecture Monastique).

Plus tard, les moines, les seigneurs laïques, les chapitres, firent construire des fermes conformes aux dispositions adoptées de nos jours, et nous voyons qu’en 1234 un chanoine de Notre-Dame de Paris s’oblige à bâtir dans le délai d’un an une grange devant faire retour au chapitre après sa mort. « La cour ou pourpris de la grange devait avoir quarante toises de long et trente de large ; le mur de clôture dix-huit pieds de haut, non compris le chaperon. Dans ce mur devait être pratiqué une porte avec une poterne, et au-dessus de la porte et de la poterne devaient être élevés des greniers vastes et solides ; c’était la grange proprement dite. Elle devait avoir vingt toises au moins de longueur et neuf toises ou