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supérieurs, dont le détail se voit en A, sont en plomb repoussé ; les couronnes et dais, détaillés en B et en C, sont formés de bandes coulées dans des creux et soudées à des rondelles circulaires. La souche de l’épi est complétement faite au repoussé, sauf le soleil rapporté, qui est moulé. La Bourgogne était, au XVe siècle, une province riche, puissante, et ses habitants pouvaient se permettre d’orner les combles de leurs hôtels et maisons de belle plomberie, tandis que le nord de la France, ruiné par les guerres de cette époque, ne pouvait se livrer au luxe des constructions privées. Aussi, malgré l’espèce d’acharnement que l’on a mis depuis plus d’un siècle à supprimer les anciens couronnements historiés des combles, reste-t-il encore dans les villes de la Bourgogne quelques exemples oubliés de ces épis du XVe siècle.

À Dijon, il en existe plusieurs sur des maisons particulières, et notamment dans la Petite rue Pouffier (12). En A, nous donnons la moitié du plan du poinçon, dont la souche est un triangle curviligne concave sous la bague. À dater du XIVe siècle, on rencontre assez souvent des bagues d’épis ornées de prismes ou de cylindres qui les pénètrent horizontalement, et qui se terminent par une fleurette ou un quatre-feuilles. Ces sortes de bagues produisent une silhouette assez heureuse. Il ne faut pas oublier de mentionner ici les quelques épis de plomb qui surmontent encore les combles de l’hôtel de Jacques Cœur à Bourges, et dont les souches sont décorées de feuillages en petit relief, de coquilles et de cœurs. Souvent les épis de plomb étaient peints et dorés, ce qui ajoutait singulièrement à l’effet qu’ils produisaient au sommet des combles.

L’époque de la Renaissance, qui, en changeant les détails de l’architecture française, en conservait cependant les données générales, surtout dans les habitations privées, ne négligea pas le luxe de la plomberie. Les combles furent, comme précédemment, enrichis de crêtes et d’épis. On en revint alors au plomb repoussé, et on abandonna presque partout les procédés du moulage. Plusieurs châteaux et hôtels de cette époque conservent encore d’assez beaux épis ornés de fruits, de chapiteaux, de feuillages et même de figures, le tout repoussé avec beaucoup d’adresse. Parmi ces épis, on peut citer ceux de l’hôtel du Bourgtheroulde à Rouen, des châteaux d’Amboise, de Chenonceaux, du Palais-de-Justice à Rouen. On en voit de très-beaux, quoique fort mutilés, sur les lucarnes placées à la base de la flèche de la cathédrale d’Amiens, dans les noues.

Nous reproduisons (13) un de ces épis dont les plombs sont repoussés par une main très-habile. Il serait difficile de dire ce que fait Cupidon sur les combles de Notre-Dame d’Amiens, mais cette figure se trouve très-fréquemment répétée à cette époque au sommet des épis. On voit aussi quelques-uns de ces enfants tirant de l’arc, sur des maisons de Rouen élevées au commencement du XVIe siècle. Au sommet du chevet de la chapelle absidale de Notre-Dame de Rouen, il existe un très-bel épi du XVIe siècle, qui représente une sainte Vierge tenant l’Enfant. Comme ouvrage de plomberie, c’est une œuvre remarquable.