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monuments construits avec luxe que l’on pouvait poser des épis en plomb, et, les couvertures en métal posées avant le XIIIe siècle n’existant plus, il nous serait difficile de donner des exemples d’épis antérieurs à cette époque. L’épi le plus ancien que nous ayons vu et dessiné se trouvait sur les combles de la cathédrale de Chartres[1] ; il était placé à l’intersection du bras de croix, et pouvait avoir environ 2m,50 de hauteur. C’était un bel ouvrage de plomberie repoussée, mais fort délabré (8). Son fleuron se divisait en quatre folioles avec quatre boutons intermédiaires. Une large bague ornée de grosses perles lui servait de base. Il est à croire que son âme était une tige de fer enfourchée dans la tête du poinçon de bois.

Vers la fin du XIIIe siècle, les couvertures en ardoises devinrent très-communes et remplacèrent presque partout la tuile, à laquelle cependant la Bourgogne, l’Auvergne, le Lyonnais et la Provence restèrent fidèles. Les faîtages et les épis en plomb devinrent ainsi plus communs. Nous en possédons encore un assez grand nombre d’exemples qui datent du XIVe siècle. Il existe un de ces épis sur le bâtiment situé derrière l’abside de la cathédrale de Laon. En voici un autre (9) qui couronne la tourelle d’escalier de la salle dite des Machabées, dépendante de la cathédrale d’Amiens. Cet épi est fait entièrement au repoussé et modelé avec une extrême recherche ; il date de l’époque de la construction de la salle, c’est-à-dire de 1330 environ. En A, nous présentons la section de la tige sur a b et le plan de la bague faite de deux coquilles soudées. L’épi est maintenu par une tige de fer attachée à la tête du poinçon de charpente.

Sur le pignon nord du transsept de la cathédrale d’Amiens, on voit encore un très-bel épi en plomb, à deux rangs de feuilles, qui date de la fin du XIVe siècle ou commencement du XVe. Cet épi couronne un pan-de-bois qui remplace, depuis cette époque, le gâble en pierre. Beaucoup trop délicat pour la hauteur à laquelle il est placé, il conviendrait mieux au couronnement d’un comble de château. Nous en donnons (10) la reproduction ; chaque bouquet se compose de trois feuilles très-découpées, vivement modelées au repoussé, et formant en plan deux triangles équilatéraux se contrariant. Sous la bague sont soudées de petites feuilles en plomb coulé ; c’est, en effet, à dater du XVe siècle, que l’on voit la plomberie coulée employée en même temps que la plomberie repoussée. Mais nous traitons cette question en détail dans l’article Plomberie. On voit que les épis de plomb suivent les transformations de l’architecture ; à mesure que celle-ci est plus légère, plus refouillée, ces couronnements deviennent plus grêles, laissent plus de jour passer entre leurs ornements, recherchent les détails précieux. Cependant les silhouettes sont toujours heureuses et se découpent sur le ciel de manière à laisser aux masses principales leur importance.

L’Hôtel-Dieu de Beaune, fondé en 1441, conserve encore sur les

  1. Cette couverture et la charpente qui la portait dataient de la seconde moitié du XIIIe siècle ; la charpente fut brûlée en 1836.