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tout d’abord d’obtenir d’autres effets. Les caables, les pierrières, les trébuchets, les mangonneaux envoyaient à toute volée de gros boulets de pierre qui pesaient jusqu’à deux et trois cents livres ; ces machines ne pouvaient lancer des projectiles de plein fouet. On les remplaça par des bombardes avec lesquelles on obtenait les mêmes résultats ; et les engins à feu envoyant des balles de but-en-blanc, dès le XIVe siècle, n’étaient que de petites pièces portant des projectiles de la grosseur d’un biscaïen.

Engins offensifs à feu. Du jour où l’on eut reconnu la puissance des gaz dégagés instantanément par la poudre à canon, on eut l’idée d’utiliser cette force pour envoyer au loin des projectiles pleins, des boulets de pierre ou des boîtes de cailloux. On trouva qu’il y avait un grand avantage à remplacer les énormes et dispendieux engins dont nous venons de donner quelques exemples par des tubes de fer que l’on transportait plus facilement, qui coûtaient moins cher à établir et que l’ennemi ne pouvait guère endommager. Nous n’avons vu nulle part que la noblesse militaire se soit occupée de perfectionner les engins de guerre, ou de présider à leur exécution. Tous les noms d’engingneurs sont des noms roturiers. Si Philippe-Auguste, Richard Cœur de Lion et quelques autres souverains guerriers paraissent avoir attaché de l’importance à la fabrication des engins, ils recouraient toujours à des maîtres engingneurs qui paraissent être sortis du peuple. Ce dédain pour les combinaisons qui demandaient un travail mathématique et la connaissance de plusieurs métiers, tels que la charpenterie, la serrurerie, la mécanique, la noblesse l’apporta tout d’abord dans la première étude de l’artillerie à feu ; elle ne parut pas tenir compte de cette formidable application de la poudre explosible, et laissa aux gens de métier le soin de chercher les premiers éléments de l’art du bombardier.

En 1356, le prince Noir assiégea le château de Romorantin ; il employa, entre autres armes de jet, des canons à lancer des pierres, des carreaux et des ballottes pleines de feu grégeois. Ces premiers canons étaient longs, minces, fabriqués au moyen de douves de fer, ou fondues en fer ou en cuivre, renforcés de distance en distance d’anneaux de fer, et transportés à dos de mulet ou sur des chariots. Ces bouches à feu, qu’on appelait alors acquéraux, sarres ou spiroles, et plus tard veuglaires, se composaient d’un tube ouvert à chaque bout ; à l’une des extrémités s’adaptait une boîte contenant la charge de poudre et le projectile, c’est-à-dire qu’on chargeait la pièce par la culasse ; seulement cette culasse était complètement indépendante du tube et s’y adaptait au moyen d’un étrier mobile, ainsi que l’indique la fig. 20. En A, on voit la boîte et la pièce coupées longitudinalement ; en B, la coupe sur ab ; en C, la boîte réunie à la pièce au moyen de l’étrier qui s’arrête sur les saillies dd′ des anneaux dentelés ; en D, la même boîte se présentant latéralement avec l’étrier e, muni de sa poignée pour le soulever et enlever la boîte lorsque la pièce a été tirée. Les points culminants g réservés sur chacun des anneaux dentelés servaient de mire. Nous ne savons trop comment se pointaient ces pièces ;