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boulet que ce style en décliquant envoie en bombe. Ammien Marcellin désigne aussi cet engin sous le nom de tormentum, de torquere, tordre.

Nos lecteurs ne nous sauront pas mauvais gré de ne rien ajouter aux textes aussi diffus que peu concluants des commentateurs de Vitruve, de Végèce, d’Ammien Marcellin ; ils voudront bien nous permettre de passer à l’étude des engins du moyen âge sur lesquels nous possédons des données un peu moins vagues.

Les engins d’attaque, depuis l’invasion des barbares jusqu’à l’emploi de l’artillerie à feu, sont en grand nombre : les uns sont mus par des contre-poids comme les trébuchets, les mangonneaux ; d’autres par la tension de cordes, de nerfs, de branches de ressorts de bois ou d’acier, comme les caables, malvéisines ou male-voisines, les pierrières ; d’autres par leur propre poids et l’impulsion des bras, comme les moutons, béliers, bossons. Rien ne nous indique que les Romains, avant le Ve siècle, aient employé des machines de jet à contre-poids, tandis qu’ils connaissaient et employaient, ainsi que nous venons de le dire, les engins à ressorts, les grandes arbalètes à tour[1] à un ou deux pieds, ainsi qu’on peut s’en assurer en examinant les bas-reliefs de la colonne Trajane. Les machines de jet mues par des contre-poids sont d’une invention postérieure aux machines à ressorts, par la raison que les engins à ressorts ne sont que l’application en grand d’une autre arme de main connue de toute antiquité, l’arc. Les machines à contre-poids exigent, dans leur fabrication, un si grand nombre de précautions, de calculs, et des moyens si puissants, qu’on ne peut admettre qu’elles aient été connues des barbares qui envahirent les Gaules. Ceux-ci durent imiter d’abord les machines de guerre romaines, puis aller demander plus tard à Byzance les inventions très-perfectionnées des Grecs. Les engins inconnus jusqu’alors dont parlent les annales de Saint-Bertin, et qui furent dressés devant les murailles d’Angers occupée en 873 par les Normands, avaient probablement été importés en France par ces artistes que Charles le Chauve faisait venir de Byzance. Les annalistes et les poëtes de ces temps reculés, et même ceux d’une époque plus récente, sont d’un laconisme désespérant lorsqu’ils parlent de ces engins, et ils les désignent indifféremment par des noms pris au hasard dans l’arsenal de guerre, pour les besoins de la mesure ou de la rime, de sorte que, jusque vers le temps de Charles V, où les chroniqueurs deviennent plus précis, plus clairs, il est certaines machines auxquelles on peut difficilement donner leur nom propre. Nous allons essayer cependant de trouver l’emploi et la forme de ces divers engins.

Dans la chanson de Roland, on lit :

« Li reis Marsilie est de guerre vencud,
Vus li avez tuz ses castels toluz,
Od vos caables avez fruiset ses murs,

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  1. Voy. Cabulus, Balista. Ducange, Gloss.