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époque fort ancienne et qu’ils tenaient peut-être des Phéniciens. Depuis l’antiquité, les puissances mécaniques n’ont pas fait un pas ; les applications seules de ces puissances se sont étendues, car les lois de la mécanique dérivent de la géométrie ; ces lois ne varient pas, une fois connues ; et parmi tant de choses, ici-bas, qu’on donne comme des vérités, ce sont les seules qui ne peuvent être mises en doute.

Les anciens connaissaient le levier, le coin, la vis, le plan incliné, le treuil et la poulie ; comme force motrice, ils n’employaient que la force de l’homme, celle de la bête de somme, les courants d’air ou d’eau et les poids. Ils n’avaient pas besoin, comme nous, d’économiser les bras de l’homme, puisqu’ils avaient des esclaves, et ils ignoraient ces forces modernes produites par la vapeur, la dilatation des gaz et l’électricité. Le moyen âge hérita des connaissances laissées par les anciens sans y rien ajouter, jusqu’à l’époque où l’esprit laïque prit la tête des arts et chercha des voies nouvelles en multipliant d’abord les puissances connues, puis en essayant de trouver d’autres forces motrices. De même qu’en cherchant la pierre philosophale, les alchimistes du moyen âge firent des découvertes précieuses, les mécaniciens géomètres, en cherchant le mouvement perpétuel, but de leurs travaux, résolurent des problèmes intéressants et qui étaient ignorés avant eux ou peut-être oubliés ; car nous sommes disposé à croire que les Grecs, doués d’une activité d’esprit merveilleuse, les forces motrices de leur temps admises seules, avaient poussé les arts mécaniques aussi loin que possible.

engins appliqués à la construction. Nous voyons, dans des manuscrits, bas-reliefs et peintures du IXe au XIIe siècle, le treuil, la poulie, la roue d’engrenage, la romaine, les applications diverses du levier et des plans inclinés. Nous ne saurions préciser l’époque de la découverte du cric ; mais déjà, au XIVe siècle, son principe est parfaitement admis dans certaines machines de guerre.

D’ailleurs chacun sait que le principe en mécanique est celui-ci, savoir : que la quantité de mouvement d’un corps est le produit de sa vitesse, c’est-à-dire de l’espace qu’il parcourt dans un temps donné, par sa masse ; et une fois ce principe reconnu, les diverses applications devaient s’ensuivre naturellement, avec plus ou moins d’adresse. Dans les constructions romanes, on ne voit guère que de petits matériaux employés, matériaux qui étaient montés soit à l’épaule, soit au bourriquet au moyen de poulies, soit en employant le treuil à roues que des hommes de peine faisaient tourner par leur poids (1). Cet engin primitif est encore mis en œuvre dans certains départements du centre et de l’ouest de la France ; il est puissant lorsque la roue est d’un diamètre de six mètres, comme celle que nous avons tracée dans cet exemple, et qu’on peut la faire mouvoir par la force de trois hommes ; mais il a l’inconvénient d’occuper beaucoup de place, d’être d’un transport difficile, et il ne permet pas de régler le mouvement d’ascension comme on peut le faire avec les machines de notre temps employées aux mêmes usages.