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sieurs villes dont les enceintes ne se composaient, de son temps, que de palissades avec bretèches de bois et fossés.

Beaucoup de villes, pendant le moyen âge, étaient ouvertes, car pour les fermer il fallait en obtenir la permission du suzerain, et comme la construction de ces enceintes était habituellement à la charge des bourgeois, les populations urbaines n’étaient pas toujours assez riches pour faire une aussi grande dépense. En temps de guerre, on fermait ces villes à la hâte pour se mettre à l’abri d’un coup de main ou pour servir d’appui à un corps d’armée. « Si s’en ala à Ypre, et entra en la ville (le cuens de Bouloigne) : onques li bourgois n’i misent contredit, ains le rechurent à grant joie. Quant li cuens et si home furent dedans Ypre, moult furent boen gré as bourgois de lor boin samblant que il fait lor avoient ; ils devisèrent que il là arriesteroient, et fremeroient la ville, et là seroit lor repaires de la guerre. Moult i fisent boins fossés et riches, et boine soif à hyreçon et boines portes de fust et boins pons et boines barbacanes et boines touretes de fust entour la ville[1]. » Comme les armées romaines, les armées occidentales du moyen âge faisaient des enceintes autour de leurs camps, lorsqu’elles voulaient tenir une contrée sous leur obéissance ou posséder une base d’opérations. « Toutefoys (Gérard de Roussillon) avec ce peu de gens qu’il avoit approcha le roy et vint en Bourgongne, et choisit une place belle et emple là où estoit une montaigne sur laquelle il se arresta et la fist clore de fossez et de boulevers de boys dont ses gens eurent grant merveille[2]. » Les enceintes en bois faites en dehors des murs autour des places fortes étaient désignées, au XIIIe siècle, sous les noms de fors rolléis :

« Clos de fossés et de fors rolléis[3] » ;


de forclose :

« À la forclose li dus Begues en vint[4] » ;


et plus tard sous les noms de polis, de barrière. Les espaces libres laissés entre ces clôtures extérieures et les enceintes de maçonnerie s’appelaient les lices.

On ne considérait une enceinte de ville comme très-forte qu’autant qu’elle était double ; lorsqu’on ne pouvait construire deux murailles flanquées de tours en maçonnerie, on disposait au moins des palissades avec fossés en avant de l’enceinte maçonnée, de manière cependant que l’enceinte intérieure pût toujours commander celle extérieure, et que celle-ci ne fût distante que d’une petite portée d’arbalète. Si les enceintes

  1. Hist. des ducs de Normandie et des rois d’Angleterre, d’ap. deux mss. de la Bib. imp. (XIIIe siècle). Pub. par la Soc. de l’hist. de France ; 1850.
  2. Gérard de Roussillon. Édit. du commencement du XVIe siècle. Lyon. Réimp. à Lyon. Louis Perrin, 1856.
  3. Li Roman de Garin, t. I, p. 231. Édit. Techener, 1833.
  4. Ibid., t. II, p. 172.