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d’angle. On communique d’un de ces étages à l’autre par une trappe réservée dans le plancher et une petite échelle de meunier. Dans le midi de la France, on remarque, sur des églises romanes, des échauguettes construites à la hâte au XIVe siècle, pour mettre ces édifices en état de résister aux courses des troupes du Prince Noir. On éleva encore des échauguettes sur les édifices religieux pendant les guerres de religion du XVIe siècle, et quelquefois même des échauguettes furent disposées pour recevoir de petites bouches à feu.

Du jour où chacun n’eut plus à songer à sa défense personnelle, l’échauguette disparut de nos édifices civils ou religieux ; et il faut reconnaître que la gendarmerie de notre temps remplace avec avantage ces petits postes de surveillance.

ÉCHELLE, s. f. Nous ne parlons pas ici de l’échelle dont se servent les ouvriers pour monter sur les échafauds, non plus des échelles qui étaient en permanence sur les places réservées aux exécutions, et auxquelles on attachait les gens coupables de faux serments ou de quelque délit honteux pour les laisser ainsi exposés aux quolibets de la foule[1]. Nous ne nous occupons que de l’échelle relative. En architecture, on dit « l’échelle d’un monument… Cet édifice n’est pas à l’échelle. » L’échelle d’une cabane à chien est le chien, c’est-à-dire qu’il convient que cette cabane soit en proportion avec l’animal qu’elle doit contenir. Une cabane à chien dans laquelle un âne pourrait entrer et se coucher ne serait pas à l’échelle.

Ce principe, qui paraît si naturel et si simple au premier abord, est cependant un de ceux sur lesquels les diverses écoles d’architecture (de notre temps) s’entendent le moins. Nous avons touché cette question déjà dans l’article Architecture, et notre confrère regretté, M. Lassus, l’avait traitée avant nous[2]. Dans la pratique, cependant, il ne semble pas que les observations mises en avant sur ce sujet aient produit des résultats. Nous n’avons pas la vanité de nous en étonner ; nous croyons simplement que nos explications n’ont été ni assez étendues ni assez claires. Il faut donc reprendre la question et la traiter à fond, car elle en vaut la peine.

Les Grecs, dans leur architecture, ont admis un module, on n’en saurait douter ; ils ne paraissent pas avoir eu d’échelle. Ainsi, qu’un ordre grec ait cinq mètres ou dix mètres de hauteur, les rapports harmoniques sont les mêmes dans l’un comme dans l’autre, c’est-à-dire, par exemple, que si le diamètre de la colonne à la base est un, la hauteur de la colonne sera six, et l’entre-colonnement un et demi vers le milieu du fût, dans le petit comme dans le grand ordre. En un mot, la dimension ne paraît

  1. Voy. le curieux bas-relief qui se trouve à la base du portail méridional de Notre-Dame de Paris, et qui représente un écolier attaché à une échelle ; d’autres écoliers l’entourent et paraissent le bafouer. Sur la poitrine du coupable est attaché un petit écriteau carré sur lequel sont gravées ces lettres P.FAVS.S. por faus sermens.
  2. Annales archéol., de M. Didron. T. II. De l’art et de l’archéologie.