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[échauguette]
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Nous retrouvons encore la tradition de ces guettes couronnant les combles des tours dans la plupart des châteaux de la Renaissance, comme à Chambord, à Tanlay, à Ancy-le-Franc, et, plus tard, au château de Richelieu en Poitou, de Blérancourt en Picardie, etc. Ce ne fut que sous le règne de Louis XIV, et lorsque les combles ne furent plus de mise sur les édifices publics ou privés, que disparurent ces derniers restes de la guette du château féodal.

Les combles des beffrois de ville étaient souvent munies d’échauguettes de bois. Comme les combles des donjons, on a eu grand soin de les détruire chez nous, et il nous faut sans cesse avoir recours aux anciennes gravures si nous voulons prendre une idée de leur disposition. La plupart des tours de beffrois des villes du nord en France, élevées pendant les XIIIe et XIVe siècles, étaient carrées[1] ; elles se terminaient par une galerie fermée ou à ciel ouvert, avec échauguettes aux angles ; de plus, le comble en charpente, très-élevé et très-orné généralement (car les villes attachaient une sorte de gloire à posséder un beffroi magnifique), était percé de lanternes ou d’échauguettes, servant de guérites au guetteur. Il nous faut bien, cette fois encore, emprunter aux pays d’outre-Rhin, pour appuyer nos descriptions sur des monuments. Retournons donc à Prague, la ville des échauguettes, et celle dont l’architecture gothique se rapproche le plus de notre école picarde.

La cathédrale de cette ville possède deux tours sur sa façade occidentale dont les couronnements affectent bien plutôt la forme de nos beffrois municipaux du Nord que celle d’un clocher d’église. Ces tours, à défaut d’autres renseignements existants, vont nous servir à reconstituer les échauguettes des tours de ville des XIVe et XVe siècles.

Sur un dernier étage carré (22) s’épanouit un large encorbellement décoré d’écussons armoyés aux quatre angles ; cet encorbellement arrive à former des portions d’octogones, ainsi que l’indique le plan A. Une balustrade de pierre pourtourne le couronnement et est surmontée aux angles de logettes également en pierre couvertes de pavillons aigus en charpente. En retraite, sur le parement intérieur de la tour, s’élève un grand comble à huit pans sur quatre faces duquel sont posées des échauguettes en bois couvertes aussi de pyramides à huit pans. Tous ces combles sont revêtus d’ardoises et de plomb, avec épis, boules, girouettes. Quatre petits combles diagonaux permettent de passer à couvert de la base de la charpente dans chacune des échauguettes d’angle.

La fig. 23 donne le détail de l’une des quatre échauguettes supérieures du comble. C’était un couronnement de ce genre, mais plus somptueux probablement, qui devait terminer le beffroi de la ville d’Amiens construit vers 1410 et brûlé en 1562. Un guetteur avait charge, du haut de ce beffroi, de sonner les cloches pour annoncer le bannissement de quelque

  1. Les beffrois d’Amiens, de Béthune, de Valenciennes, qui existent ou existaient encore il y a peu d’années, sont bâtis sur plan carré (voy. Beffroi).