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[échauguette]
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avec son petit poste E et la meurtrière F donnant vers la porte Narbonnaise. De ce poste E, par un escalier à vis, on arrive à l’échauguette (plan B), qui n’est que le crénelage de la courtine formant un flanquement oblique en encorbellement sur l’angle G. La coupe C faite sur la ligne OP du plan B explique la construction de cette échauguette, qui pouvait être munie de hourds comme les courtines ; en D, nous avons figuré le profil de l’encorbellement H.

Toutefois, jusqu’au XIVe siècle, les échauguettes flanquantes posées sur les courtines ne sont que des accidents et ne se rattachent pas à un système général défensif ; tandis qu’à dater de cette époque, nous voyons les échauguettes adoptées régulièrement, soit pour suppléer aux tours, soit pour défendre les courtines entre deux tours. Mais ce fait nous oblige à quelques explications.

Depuis l’époque romaine jusqu’au XIIe siècle, on admettait qu’une place était d’autant plus forte que ses tours étaient plus rapprochées, et nous avons vu qu’à la fin du XIIe siècle encore Richard Cœur-de-Lion, en bâtissant le château Gaillard, avait composé sa dernière défense d’une suite de tours ou de segments de cercle se touchant presque. Lorsqu’au XIIIe siècle les armes de jet eurent été perfectionnées et que l’on disposa d’arbalètes de main d’une plus longue portée, on dut, comme conséquence, laisser entre les tours une distance plus grande, et, en allongeant ainsi les fronts, mettre les flanquements en rapport avec leur étendue, c’est-à-dire donner aux tours un plus grand diamètre, afin d’y pouvoir placer un plus grand nombre de défenseurs. Si c’était un avantage d’allonger les fronts, il y avait un inconvénient à augmenter de beaucoup le diamètre des tours, car c’était donner des défilements à l’assaillant dans un grand nombre de cas, comme, par exemple, lorsqu’il parvenait à cheminer près des murailles entre deux tours et qu’il avait détruit leurs défenses supérieures. Tout système porte avec lui les défauts inhérents à ses qualités mêmes. Puisque les armes de jet avaient une plus longue portée, il fallait étendre autant que possible les fronts ; cependant on ne pouvait négliger les flanquements, car si l’assaillant s’attachait au pied de la courtine, ils devenaient nécessaires : or, plus ces flanquements étaient formidables, moins les fronts pouvaient rendre de services pour la défense éloignée.

Soit (7) un front AB muni de tours ; BC est la largeur du fossé ; le jet d’arbalète est EF. Si l’assaillant dispose son attaque conformément au tracé FGH, neuf embrasures le découvrent. Mais soit IK un front continu non flanqué de tours, l’attaque étant disposée de même que ci-dessus en FGH, les embrasures étant d’ailleurs percées à des distances égales à celles du front AB, treize de ces embrasures pourront découvrir l’assaillant. Que celui-ci traverse le fossé et vienne se poster en M, les assiégés ne peuvent se défendre que par les mâchicoulis directement placés au-dessus de ce point M ; mais ils voient sur une grande longueur la nature des opérations de l’ennemi, et l’inquiètent par des sorties dans le fond du fossé, où il ne trouve aucun défilement.