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[échafaud]
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manqué de ressources en rapport avec la nature et l’importance de ces bâtisses. Ils devaient donc être fort avares d’échafaudages, lesquels coûtent fort cher et ne représentent rien, du moment que l’édifice est achevé. Au-dessus d’une certaine hauteur, on reconnaît encore, par la position des trous d’échafauds, que ceux-ci étaient suspendus. Suspendre un échafaud à un monument existant ne demande pas des combinaisons bien savantes ; mais suspendre un échafaud pour élever un édifice, avant que cet édifice ne soit construit, c’est un problème qui paraît difficile à résoudre : on sait que les difficultés matérielles n’arrêtaient pas les architectes gothiques.

Habituellement les tours des grandes églises sont, dans leur partie supérieure, à la hauteur des beffrois, sous les flèches, percées, sur chaque face, de doubles baies étroites et longues. Les angles sont renforcés de contre-forts terminés par des pinacles ; mais dans les angles rentrants formés par ces contre-forts, et suivant les diagonales du carré sur lequel le plan de ces tours est tracé, on remarque presque toujours, à la base des beffrois, des trous plus ou moins grands et quelquefois des repos. Au-dessus de la partie verticale des tours, à la base des flèches qui s’élèvent sur plan octogonal, on voit, sur les huit faces, des lucarnes, des issues plus ou moins larges, mais étroites et longues. Ces dispositions nous conduisent à admettre que les échafauds destinés à élever les parties supérieures et dégagées des tours d’églises étaient suspendus, c’est-à-dire qu’ils laissaient la partie inférieure des façades complètement libre. Partant de ce principe, soit A (6) le plan d’une tour de façade d’une grande église à la base du beffroi, et B le plan de cette tour à la base de la flèche en pierre qui la couronne. Ayant deux baies sur chacune des faces du beffroi, nous disposons à travers ces baies des fermes d’échafauds se croisant en G et se rapprochant le plus possible des contre-forts d’angles. En élévation, chacune de ces fermes donne le tracé F ; les quatre poteaux G montent d’une seule pièce ou sont entés (en raison de la hauteur du beffroi) de E en H ; de H en K est un chapeau qui traverse d’une baie à l’autre. Les deux liens IL assemblés à mi-bois soulagent puissamment ces chapeaux. Du point M pendent de doubles moises inclinées MN, qui portent l’extrémité de la pièce horizontale NO posant sur l’appui des baies ; des moises horizontales P, serrant tout le système intérieur et se réunissant à leur extrémité extérieure pour être pincées à leur tour par les grandes moises inclinées MN, composent autant de planchers pour les maçons. Ainsi, avant que la tour ne soit élevée, cet échafaud suspendu peut être établi. La construction arasée au niveau des chapeaux HK, nous posons sur les premiers poteaux G d’autres poteaux G′, d’autres chapeaux RS, d’autres liens TV, puis des moises doubles X qui suspendent encore l’extrémité des premiers chapeaux et les ponts intermédiaires. On remarquera que les seconds chapeaux RS et les liens T passent à travers la flèche en pierre dans des trous ménagés exprès, bouchés après coup ou même laissés apparents. Des lucarnes sur