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[construction]
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construction, en ce qu’elles nous font connaître jusqu’où l’application du principe gothique peut aller lorsque la matière lui vient en aide.

La voûte étant désormais le générateur de toutes les parties des édifices voûtés ; commandant la place, la forme, la disposition des points d’appui, c’est elle d’abord que nous devons scrupuleusement étudier. Pour qui connaît bien la structure de la voûte gothique, les ressources infinies que présente sa construction, toutes les autres parties de la maçonnerie s’en déduisent naturellement. Nos lecteurs ont pu prendre connaissance déjà des éléments de la construction des voûtes : reste à en examiner les détails, les variétés et les perfectionnements, car nous ne pourrions plus nous faire comprendre, si, avant d’aller plus loin, les divers moyens employés pour fermer les voûtes gothiques n’étaient pas complètement développés.

Les fig. 27, 28, 28 bis et 29 indiquent comment sont tracés les lits inférieurs des sommiers des arcs sur les tailloirs des chapiteaux, comment ces lits inférieurs commandent la forme de ces tailloirs et la place des colonnettes et points d’appui. On reconnaît facilement que, dans les premiers tracés des voûtes gothiques, les constructeurs ont évité autant que possible de faire pénétrer les arcs les uns dans les autres à leur naissance ; ils faisaient tailler chaque claveau sur le chantier, suivant la section donnée à chacun de ces arcs, et ils cherchaient à les arranger du mieux qu’ils pouvaient sur le tailloir, en les rognant à la queue pour conformer leur pose aux pénétrations. Ainsi, par exemple, ayant tracé sur le tailloir des chapiteaux destinés à recevoir un arc doubleau, deux arcs ogives et les deux colonnettes portant les formerets, le lit de ces divers membres, ils posaient les claveaux de chacun de ces arcs et les bases des colonnettes, ainsi que le démontre la fig. 46, écornant, au besoin, les queues de ces arcs, comme on le voit en A, afin de les placer les uns à côté des autres et de les renfermer dans leur lit de pose. Cette méthode naïve n’exigeait, de la part de l’appareilleur, aucune épure spéciale pour le sommier, demandait une assiette assez large sur les tailloirs pour ne pas trop affamer les queues des claveaux, et, par conséquent, des chapiteaux fort évasés ; elle avait en outre l’inconvénient de ne donner que des sommiers sans résistance pouvant s’écraser sous la charge, et de prolonger les effets des poussées trop bas ou de rapprocher leur résultante des parements extérieurs. Ayant trois arcs à poser, l’idée la plus naturelle était de leur donner à chacun leur sommier. Mais, dans certains cas, les constructeurs gothiques primitifs avaient été forcés cependant de faire pénétrer les divers arcs soutenant une voûte sur un chapiteau unique, isolé, comme on le voit dans la fig. 42, et de leur donner un seul sommier pour tous ; car, sur ces assiettes étroites, il n’était plus possible de songer à arranger les premiers claveaux de ces arcs comme on enchevêtre les pièces d’un jeu de patience : c’eût été faire de ces premiers claveaux une agglomération de coins n’ayant aucune force de résistance. D’ailleurs, il fallait souvent que les premiers claveaux des arcs (s’ils avaient une pile supérieure à