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est facile de reconnaître que les voûtes avaient été la préoccupation dominante des constructeurs. De la voûte en berceau ils étaient promptement arrivés à la voûte d’arête, et de la coupole portée sur un mur circulaire ou tambour, ils étaient arrivés, dans la construction de l’église de Sainte-Sophie, à la voûte hémisphérique portée sur pendentifs : pas immense, qui établit une ligne de démarcation tranchée entre les constructions romaines de l’antiquité et celles du moyen âge. Ni Rome, ni l’Italie, ni les Gaules ne laissent voir un seul édifice romain dans lequel la voûte hémisphérique soit portée sur pendentifs. L’église de Sainte-Sophie est la première qui nous fournisse un exemple de ce genre de construction, et, comme chacun sait, c’est la plus vaste coupole qui existe. Comment les architectes romains établis à Byzance étaient-ils arrivés à concevoir et exécuter une construction de ce genre ? C’est ce que nous ne chercherons pas à démêler. Nous prenons le fait là où, pour la première fois, il se manifeste avec une grandeur et une franchise incontestées. Couvrir une enceinte circulaire par une voûte hémisphérique, c’était une idée fort naturelle et qui fut adoptée dès une haute antiquité ; faire pénétrer des cylindres, des voûtes en berceau dans le tambour circulaire, c’était une conséquence immédiate de ce premier pas. Mais élever une coupole hémisphérique sur un plan carré, c’est-à-dire sur quatre piles isolées et posées aux angles d’un carré, ce n’était plus une déduction du premier principe, c’était une innovation, et une innovation des plus hardies.

Cependant les constructeurs que Charlemagne fit venir de Lombardie et d’Orient en Occident n’apportèrent pas avec eux ce mode de construction ; ils se contentèrent d’élever, comme à Aix-la-Chapelle, des voûtes à base octogonale ou circulaire sur des tambours montant de fond. Ce ne fut que plus tard que les dérivés de la construction byzantine eurent une influence directe en Occident. Quant aux méthodes de bâtir des constructeurs carlovingiens, elles se rapprochaient des méthodes romaines, c’est-à-dire qu’elles consistaient en des massifs de blocages enfermés dans des parements de brique, de moellon ou de pierre, ou encore de moellons alternant avec des assises de brique, le tout maintenu par des joints épais de mortier, ainsi que le fait voir la fig. 1.

Nous indiquons en A les assises de briques triangulaires présentant leur grand côté sur le parement, et en B les assises de moellons à peu près réguliers et présentant leurs faces, le plus souvent carrées, sur les parements. En C est figurée une brique dont l’épaisseur varie de 0,04 c. à 0,05 c., et en D un moellon de parement. Ce n’était qu’une construction romaine grossièrement exécutée. Mais les Romains n’employaient guère cette méthode que lorsqu’ils voulaient revêtir les parements de placages de marbre ou de stuc ; s’ils faisaient des parements de pierre de taille, ils posaient celles-ci à joints vifs, sans mortier, sur leurs lits de carrière, et leur laissaient une large assiette, pour que ces parements devinssent réellement un renfort capable de résister à une pression que les massifs seuls n’eussent pu porter.