Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[construction]
[voûtes]
— 64 —

pas plus d’une fois et demie le diamètre ou la base de ces arcs. Il est probable que les architectes gothiques primitifs s’étaient fait des règles très-simples pour les cas ordinaires ; mais il est certain qu’ils s’en rapportaient à leur seul jugement toutes les fois qu’ils avaient quelque difficulté nouvelle à résoudre. Comme s’ils eussent défini les lois des pressions des arcs, ils s’arrangèrent pour concentrer sur le parcours de ces lignes de pression les matériaux résistants, et, conduisant ainsi les poussées du sommet des voûtes sur le sol, ils arrivèrent successivement à considérer tout ce qui était en dehors comme inutile et à le supprimer.

Nous voulons être compris de tout le monde : nous ne nous en tiendrons donc pas aux définitions. Nous prenons un exemple. Soit (33) une voûte romaine en berceau plein cintre ; soit AB la courbe de pression des voussoirs, BC la poussée ; si le mur qui supporte ce berceau a la hauteur FD, son épaisseur devra être CD. Toute la charge oblique de la voûte se portant sur le point C, à quoi sert le triangle de constructions EDF ? Supposons maintenant que nous ayons une voûte gothique (34) en arcs d’ogive : la résultante des trois pressions obliques BA, CA, DA, en plan, se résoudra en une ligne AE ; en coupe, en une ligne GH. Le sentiment du constructeur lui indiquant ce principe, il fera toute sa construction d’appareil en décharge ; c’est-à-dire que, retraitant le point d’appui vertical IO, il posera un chapiteau M dont la saillie épousera la direction de la poussée GH. En O, il aura encore un corbeau et en I un chapiteau en décharge, de manière à rapprocher autant que possible l’axe P de la colonne inférieure du point H, point d’arrivée de la poussée GH. Mais, étant forcé, dans les édifices à trois nefs, de laisser ce point H en dehors de l’axe P de la colonne, il ne considère plus celle-ci que comme un point d’appui qu’il faut maintenir dans la verticale par l’équilibre. Il annule donc tout effet latéral en construisant l’arc-boutant K. Mais, objectera-t-on, pourquoi conserver un appareil en décharge du moment que la poussée de la grande voûte est neutralisée par la pression de l’arc-boutant ? C’est là où