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dispose, des besoins auxquels il doit satisfaire et de la civilisation au milieu de laquelle il naît.

Les Grecs et les Romains ont été constructeurs ; cependant ces deux peuples sont partis de principes opposés, n’ont pas employé les mêmes matériaux, les ont mis en œuvre par des moyens différents, et ont satisfait à des besoins qui n’étaient point les mêmes. Aussi l’apparence du monument grec et celle du monument romain diffèrent essentiellement. Le Grec n’emploie que la plate-bande dans ses constructions ; le Romain emploie l’arc, et, par suite, la voûte : cela seul indique assez combien ces principes opposés doivent produire des constructions fort dissemblables, quant aux moyens employés et quant à leur apparence. Nous n’avons pas à faire connaître ici les origines de ces deux principes et leurs conséquences ; nous prenons l’architecture romaine au point où elle est arrivée dans les derniers temps de l’Empire, car c’est la source unique à laquelle le moyen âge va d’abord puiser.

Le principe de la construction romaine est celui-ci : établir des points d’appui présentant, par leur assiette et leur parfaite cohésion, des masses assez solides et homogènes pour résister au poids et à la poussée des voûtes ; répartir ces pesanteurs et poussées sur des piles fixes dont la résistance inerte est suffisante. Ainsi la construction romaine n’est qu’une concrétion habilement calculée dont toutes les parties dépourvues d’élasticité se maintiennent par les lois de la pesanteur et leur parfaite adhérence. Chez les Grecs, la stabilité est obtenue seulement par l’observation judicieuse des lois de la pesanteur ; ils ne cherchent pas l’adhérence des matériaux ; en un mot, ils ne connaissent ni n’emploient les mortiers. Les pesanteurs n’agissant, dans leurs monuments, que verticalement, ils n’ont donc besoin que de résistances verticales ; les voûtes leur étant inconnues, ils n’ont pas à maintenir des pressions obliques, ce que l’on désigne par des poussées. Comment les Romains procédaient-ils pour obtenir des résistances passives et une adhérence parfaite entre toutes les parties inertes de leurs constructions et les parties actives, c’est-à-dire entre les points d’appui et les voûtes ? Ils composaient des maçonneries homogènes, au moyen de petits matériaux, de cailloux ou de pierrailles réunis par un mortier excellent, et enfermaient ces blocages dans un encaissement de brique, de moellon ou de pierre de taille. Quant aux voûtes, ils les formaient sur cintres au moyen d’arcs de brique ou de pierre en tête et de béton battu sur couchis de bois. Cette méthode présentait de nombreux avantages : elle était expéditive ; elle permettait de construire, dans tous les pays, des édifices sur un même plan ; d’employer les armées ou les réquisitions pour les élever ; elle était durable, économique ; ne demandait qu’une bonne direction, en n’exigeant qu’un nombre restreint d’ouvriers habiles et intelligents, sous lesquels pouvaient travailler un nombre considérable de simples manœuvres ; elle évitait les transports lents et onéreux de gros matériaux, les engins pour les élever ; elle était enfin la conséquence de l’état social et politique de la société