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deux de ces tables-réchauffoirs taillées dans du granit, que nous donnons ici (22).

Nos voisins d’Outre-Manche paraissent avoir, aussi bien que nous, disposé les cuisines de leurs établissements monastiques ou de leurs châteaux. On voit, à Durham, une belle cheminée octogone, du XIVe siècle, avec ses dépendances, offices, magasin à bois et à charbon, etc. Quelles que fussent la dimension et la belle ordonnance de ces cuisines du moyen âge, dans certains cas elles devenaient insuffisantes pour préparer la nourriture de grandes assemblées, d’autant qu’alors les seigneurs tenaient table ouverte à tous venants. Pour le couronnement d’Edward Ier, en 1273, tout l’espace de terrain vacant dans l’enceinte du palais de Westminster fut entièrement couvert de barraques provisoires et d’offices pour donner à manger à tous ceux qui se présenteraient. De nombreuses cuisines furent aussi bâties dans le même enclos ; mais, dans la crainte qu’elles ne pussent suffire, des chaudières de plomb étaient placées sur des foyers en plein air. La cuisine principale, dans laquelle les volailles et autres mets choisis devaient être cuits, était entièrement découverte pour permettre à la fumée de s’échapper librement[1]. Faire d’une cuisine un bâtiment spécial isolé, parfaitement approprié à sa destination, c’eût été, pour les architectes de la Renaissance, déshonorer une ordonnance d’architecture. Depuis lors, on voulut dissimuler ces services essentiels : on les relégua dans des caves, on les plaça comme on put dans les corps de logis, au risque d’incommoder les habitants des châteaux. On voulait

  1. Voy. Domest. archit. of the middle ages, XIV century, p. 65. Oxford, Parker.