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bien-aimée de Dieu, il se fit un si grand concours de ce peuple… etc. » Ainsi donc on peut croire que c’était la voûte ou le plancher servant de voûte à la crypte qui avait été incendié. Cependant il reste à Vézelay une portion de crypte antérieure à Gilon (1165), et ce reste est voûté en moellon ; l’autre partie de la crypte, sous le sanctuaire, date des dernières années du XIIe siècle, c’est-à-dire fut reconstruite après l’incendie. On pourrait donc admettre que, sous le sanctuaire, au XIIe siècle, il existait une sorte de plancher surélevé sous lequel était déposé le corps de Marie-Madeleine et sur lequel s’élevait l’image en bois de la Vierge.

CUISINE, s. f. Nous n’avons pas une idée exacte de ce qu’étaient les cuisines et leurs dépendances chez les Romains. Étaient-elles enclavées dans les habitations comme de nos jours, étaient-elles disposées dans des logis séparés ? Cette dernière hypothèse nous semble la plus vraisemblable. Il est à présumer d’ailleurs que les familles qui, à Rome, ne possédaient pas de nombreux esclaves et n’habitaient que des appartements loués, envoyaient dehors acheter chez les rôtisseurs et autres marchands de victuailles ce dont elles avaient besoin au moment des repas, ainsi que cela se pratique encore aujourd’hui dans la plupart des villes de l’Italie méridionale. Les Gaulois et les Germains, comme tous les peuples primitifs, faisaient leur cuisine en plein air. Grégoire de Tours parle de ces repas faits dans de grands hangars, dans ces barraques de bois que les rois francs élevaient là où ils voulaient résider pendant quelque temps ; dans ce cas, les aliments étaient préparés dehors au milieu de vastes cheminées bâties en brique et en terre. Dans la tapisserie de Bayeux, on voit encore les gens de Guillaume faisant la cuisine en plein air ; il est vrai que la scène se passe au moment du débarquement de son armée en Angleterre. Necham[1] remarque qu’il était d’usage de placer les cuisines près de l’extérieur des habitations, le long du chemin ou de la rue. Il fallait alors traverser une cour pour passer de la cuisine à la salle à manger ; les viandes étaient apportées embrochées, et on les dressait, dans la salle même, sur des buffets[2], avant de les présenter aux convives.

Dans l’enceinte des châteaux normands des XIe et XIIe siècles, on aperçoit souvent des aires circulaires de quatre à cinq mètres de diamètre dont quelques parties sont calcinées ; nous pensons que ce sont là les cuisines primitives, qui n’étaient autre chose qu’une sorte de cloche de terre avec un tuyau à sa partie supérieure, et dans laquelle on allumait

  1. Alexandre Necham ou Nequam est un écrivain qui vivait sous les règnes de Henri II, de Richard Ier et de Jean ; il a laissé des descriptions des habitations du XIIe siècle. Né à Saint-Alban en 1157, il fut maître de grammaire dans cette ville ; il fut abbé de Cirencester en 1213. (Voy. Some account of domestic Architecture in England, t. I. Hudson Turner. Parker edit. Oxford, 1851.)
  2. Voy. Jos. Strutt, Angleterre ancienne.