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tombeau du saint par les ouvertures ménagées dans le mur du martyrium, faisaient leurs oraisons devant l’autel et remontaient par l’autre escalier. La crypte de la cathédrale de Chartres avait un martyrium très-étroit, mais un déambulatoire avec chapelles d’une grande étendue[1]. La crypte de l’église abbatiale de Saint-Denis présentait ces mêmes dispositions dès avant la reconstruction entreprise par Suger ; l’illustre abbé les conserva en rebâtissant le rond-point, et ajouta de vastes chapelles au déambulatoire pourtournant le martyrium, auquel il laissa sa forme primitive[2], ne voulant pas, probablement, toucher à ce lieu consacré. Cependant ce fut Suger qui enleva les reliques de saint-Denis et de ses deux compagnons de la crypte où elles étaient déposées, pour les placer sous l’autel des martyrs, au fond du sanctuaire (voy. Autel)[3].

Une des cryptes les plus vastes qui aient été élevées est certainement celle de l’abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. Cette crypte existait dès le VIe siècle sous le sanctuaire de l’église bâtie par Grégoire, évêque de Langres. En 1001, Guillaume, abbé de Saint-Bénigne, entreprit de reconstruire l’église et les cryptes. D. Planchet[4] veut que Guillaume n’ait fait que réparer l’ouvrage de l’évêque Grégoire, et qu’il ait seulement bâti en entier la rotonde qui se voyait derrière l’abside. Quant à l’église, nous ne pouvons savoir s’il la reconstruisit ou s’il la répara, parce qu’elle fut totalement rebâtie à la fin du XIIIe siècle ; mais des découvertes récentes[5] ont mis à nu les restes du martyrium renfermant le tombeau du saint et les caveaux de la rotonde y attenant : or ces constructions sont identiques et possèdent tous les caractères de l’architecture barbare du commencement du XIe siècle. Il faut donc voir là un monument de cette époque ; cependant il est certain que l’abbé Guillaume conserva des massifs appartenant à des constructions antérieures ; on reconnaît des soudures, on retrouve des fragments d’un monument plus ancien réemployés comme moellon.

Le plan souterrain de cet édifice, unique en France (5), fait assez voir que les cryptes primitives s’étendaient au delà des parties A, sous les transsepts de l’ancienne église. C’était dans ces deux galeries A que devaient aboutir probablement les escaliers de la crypte de l’évêque Grégoire. Peut-être, du temps de Guillaume, ces anciens escaliers avaient-ils été déjà supprimés ou jugés insuffisants, puisqu’on en avait pratiqué

  1. Voy. la Monographie de la cathéd. de Chartres, par M. Lassus, publiée par le ministère de l’instruction publique et des cultes (inachevée) ; et la Description de la cathéd. de Chartres, par M. l’abbé Bulteau.
  2. Le martyrium de Saint-Denis date du IXe ou Xe siècle.
  3. Voy. le mot chasse, Dict. du Mobilier français
  4. Hist. de Bourgogne, t. Ier.
  5. Des fouilles exécutées en novembre 1858, sous la direction de M. Suisse, architecte, ont fait reparaître les restes de la crypte de Saint-Bénigne et l’étage inférieur de la rotonde. Ces précieux débris vont être consolidés et seront conservés.