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croix de chemins et de cimetières. À quelle époque commença-t-on à élever des croix dans les carrefours, à l’entrée des villes ou villages, et dans les cimetières ? Je ne saurais le dire. On peut constater seulement que cet usage était fort répandu dès les premiers temps du moyen âge. Parmi les monuments encore debout, nous n’en connaissons aucun qui soit antérieur à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe. Il est à croire que beaucoup de ces croix antérieures au XIIIe siècle, en pierre ou en bois, étaient recouvertes par un auvent ; car, dans un écrit de cette époque, on lit ce passage : «… et en cascune chité de nostre empire a ij. crois à l’entrée ; et desus la crois n’a point d’arc volu (archivolte), pour çou que chil ki vont par desous l’enclinent, que nous l’avons en tele remenbrance que nous ne volons que nule riens soit pardesus ki ne soit bénéoite ou sacrée…[1] » Il existait donc des couvertures sur les croix de chemins, puisque le prêtre Jehan ne veut pas qu’on en pose sur celles élevées sur son territoire, afin qu’au-dessus de la croix il n’y ait rien qui ne soit bénit ou sacré. Cette idée semble prévaloir, en effet, pendant le XIIIe siècle, car on ne trouve pas de traces anciennes d’auvents ou d’édicules recouvrant les croix de chemins, à cette époque, dans le nord de la France.

Il y a lieu de croire, d’ailleurs, que les croix n’étaient protégées par des auvents qu’autant qu’elles portaient le Christ, ou lorsqu’elles étaient faites de matière périssable, ou peintes et dorées ; car on voit encore des croix romanes de cimetières et de carrefours qui n’ont certainement pas été faites pour être placées sous un édicule. La croix de pierre que nous donnons ici (18), et qui est encore placée dans le cimetière de Baret près Barbezieux (Charente), est d’un travail trop grossier pour qu’on ait jamais eu l’idée de la couvrir. Cette croix paraît appartenir à la fin du XIe siècle.

Les croix de carrefours sont habituellement posées sur un socle for-

  1. Additions aux Œuvres de Rutebeuf ; Lettre de Prestres-Jehans, pub. par Jubinal,