Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[principes]
[construction]
— 35 —

il devient un moyen pratique de fermer des voûtes dont le véritable générateur est l’arc plein cintre.

Lorsque (22) une voûte d’arête est engendrée par deux demi-cylindres se pénétrant à angle droit, les arcs AB CD AC BD sont des pleins cintres et les pénétrations AD BC des arcs surbaissés, puisque la clef E ne dépasse pas le niveau de la clef F et que les diamètres AD BE sont plus longs que les diamètres des demi-cercles AB CD. Cela n’a aucun danger, si la voûte AB CD est homogène, concrète, si elle forme une croûte d’un seul morceau comme les voûtes romaines. Mais si le constructeur veut conserver aux triangles de ses voûtes une certaine élasticité, s’il veut nerver les arêtes diagonales AD BC, s’il veut que les triangles ABE CDE ACE BDE reposent sur ces nervures comme sur des cintres permanents, et si cette voûte a une grande portée, on conçoit alors qu’il y aurait imprudence à tracer les arcs diagonaux AD BC, qui remplissent une fonction aussi importante, sur une courbe qui ne serait pas au moins un demi-cercle. Si ce tracé n’est pas absolument contraire à la bonne construction, il présente du moins, lors de l’exécution, des difficultés, soit pour trouver les points par lesquels ces courbes surbaissées doivent passer, soit lors de la taille des claveaux. L’arc plein cintre évite ces embarras et est incomparablement plus solide. Les premiers constructeurs de voûtes franchement gothiques font une chose en apparence bien simple ; au lieu de tracer le plein cintre sur le diamètre AB comme les constructeurs romans, ils le tracent sur le diamètre AD. C’est là réellement leur seule innovation, et ils ne se doutaient guère en l’adoptant, nous le croyons, des conséquences d’un fait en apparence si naturel. Mais dans l’art du constructeur, essentiellement logique, basé sur le raisonnement, la moindre déviation à des principes admis amène rapidement des conséquences nécessaires, rigoureuses, qui nous entraînent bien loin du point de départ. Il faut dire que les premiers constructeurs gothiques, rebutés, non sans raison, par les tentatives des constructeurs romans, qui, la plupart, aboutissaient à des déceptions, ne s’effrayèrent pas des suites de leurs nouvelles méthodes, mais, au contraire, cherchèrent à profiter, avec une rare sagacité, de toutes les ressources qu’elles allaient leur offrir.

Les constructeurs gothiques n’avaient point trouvé l’arc brisé ; il existait, ainsi que nous l’avons vu plus haut, dans des constructions dont le système était franchement roman. Mais les architectes gothiques appliquèrent l’arc brisé à un système de construction dont ils sont bien les seuls et les véritables inventeurs. Il y a des arcs brisés, au XIIe siècle, par