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rendra notre explication intelligible pour tout le monde. Soit une solive à l’extrémité de laquelle on veut ménager un renfort A. L’ouvrier enlèvera, des deux côtés de ce renfort, avec sa bisaiguë, une suite de copeaux minces pour ne pas fendre son bois ; puis il les coupera à leur base, s’il veut complètement dégager le renfort. Voyant que ces copeaux formaient un ornement, on aura eu l’idée, primitivement, de ne les point couper, et les solives auront été ainsi posées. Plus tard, cette décoration, produite par le procédé d’exécution employé par l’ouvrier, aura été figurée en pierre. C’est ainsi que la plupart des ornements de l’architecture qui ne sont pas imités du règne végétal ou du règne animal prennent leur origine dans les moyens d’exécution les plus naturels.

Si l’on veut chercher l’origine des formes d’un art de convention, comme l’architecture, il faut recourir aux moyens pratiques qui se conservent les mêmes à travers les siècles et se résoudre à étudier ces moyens pratiques, sans quoi on peut faire bien des bévues. Peu à peu, à la place de l’arête centrale renforçant le bout de la solive, et la laissant cependant dégagée de manière à l’allégir, on a figuré des animaux, des têtes ; les copeaux latéraux perdent de leur importance, mais se retrouvent encore tracés sur les côtés.

C’est ainsi que sont sculptés la plupart des corbeaux de l’église abbatiale de Saint-Sernin de Toulouse, qui datent du XIIe siècle, et qui sont d’une singulière énergie de composition. Voici l’un d’eux provenant de la corniche de la porte du sud (6).

Les copeaux disparaissent complètement vers le milieu du XIIe siècle,