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coq, les prédicateurs se tournent contre le vent, quand ils résistent fortement à ceux qui se révoltent contre Dieu, en les reprenant et en les convainquant de leurs crimes, de peur qu’ils ne soient accusés d’avoir fui à l’approche du loup. La verge de fer sur laquelle le coq est perché représente la parole inflexible du prédicateur, et montre qu’il ne doit pas parler de l’esprit de l’homme, mais de celui de Dieu, selon cette parole : « Si quelqu’un parle, que ce soit les discours de Dieu… » Et parce que cette verge elle-même est posée au-dessus de la croix ou du faîte de l’église, cela signifie que les Écritures sont consommées et confirmées… »

Ainsi donc, au XIIIe siècle, il était bien entendu que le coq placé au sommet des clochers était un symbole ; de plus, il est clair que ce coq était mobile et servait de girouette. Mais, bien avant cette époque, il est question de coqs posés sur les flèches des églises. La tapisserie de Bayeux, qui date au moins du commencement du XIIe siècle, nous représente un coq sur l’église abbatiale de Westminster, et ce coq, contrairement aux usages modernes, a les ailes éployées[1].

Walstan, auteur du Xe siècle, dans le livre de la Vie de saint Switin, parle d’une manière assez poétique du coq placé au sommet de l’église que l’évêque Elfège avait fait bâtir à Winchester[2] :

« Un coq d’une forme élégante, et tout resplendissant de l’éclat de l’or, occupe le sommet de la tour ; il regarde la terre de haut, il domine toute la campagne. Devant lui se présentent et les brillantes étoiles du nord et les nombreuses constellations du zodiaque. Sous ses pieds superbes, il tient le sceptre du commandement, et il voit au-dessous de lui tout le peuple de Winchester. Les autres coqs sont les humbles sujets de celui qu’ils voient ainsi planant au milieu des airs, et commandant avec fierté à tout l’Occident ; il affronte les vents qui portent la pluie, et, se retournant sur lui-même, il leur présente audacieusement sa tête. Les efforts terribles de la tempête ne l’ébranlent point, il reçoit avec courage et la neige et les coups de l’ouragan ; seul il a aperçu le soleil à la fin de sa course se précipitant dans l’océan, et c’est à lui qu’il est donné de saluer les premiers rayons de l’aurore. Le voyageur qui l’aperçoit de loin fixe sur lui ses regards ; sans penser au chemin qu’il a encore à faire, il oublie ses fatigues ; il s’avance avec une nouvelle ardeur. Quoiqu’il soit encore en réalité assez loin du terme, ses yeux lui persuadent qu’il y touche. »

Ce symbole de vigilance, de lutte contre les efforts du vent, placé au point le plus élevé des monuments religieux, appartient à l’Occident. Il n’est pas question de coqs placés sur les clochers des églises de l’Italie méridionale. Serait-ce pour cela qu’on les a enlevés de la plupart de nos

  1. Nous renvoyons nos lecteurs à la savante dissertation de M. Barraud sur les coqs des églises. (Bull. monum., t. XVI, p. 277.)
  2. Nous empruntons cette traduction à la notice de M. Barraud.