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de goût), elle eut pour résultat de dissimuler la véritable fonction du contre-fort ; comme construction, d’occasionner des dépenses inutiles et d’étager plusieurs corniches les unes sur les autres : or, ces corniches répétées ont l’inconvénient d’arrêter les eaux pluviales et de faire pénétrer l’humidité dans les maçonneries. Mais n’oublions pas que l’affaire importante, pour les architectes, depuis la fin du XVIe siècle, c’était de chercher des prétextes pour placer des colonnes, n’importe où ni comment. Chacun voulait avoir élevé un ou plusieurs ordres, et tout le monde trouvait cela fort beau. Dès l’instant qu’en architecture on sort des règles imposées par le bons sens et la raison, nous avouons que, pour nous, il importe assez peu que les formes adoptées soient empruntées aux Romains ou aux gothiques. On a fini par considérer le contre-fort comme un aveu d’impuissance, et par les supprimer dans les constructions modernes ; mais comme il faut que les maçonneries se tiennent debout, que les poussées soient contre-buttées et que le dévers ou le bouclement des murs soit arrêté dans des bâtiments vastes, on a pris le parti de donner aux murs l’épaisseur qu’on eût dû donner seulement à quelques piles isolées, aux contre-forts en un mot. Les maçonneries étant estimées en raison du cube en œuvre, c’est ainsi qu’on est arrivé à payer très-cher le plaisir de dire et de répéter que les constructeurs gothiques étaient des barbares ; et ce qui est plaisant, c’est d’entendre dire très-sérieusement à ceux qui payent ces gros murs inutiles, que les contre-forts accusent l’ignorance des constructeurs.

COQ, s. m. Guillaume Durand[1], dans son Rational des divins offices, s’exprime ainsi à propos du coq qui surmonte le point culminant de l’église en Occident :

« Le coq, placé sur l’église, est l’image des prédicateurs, car le coq veille dans la nuit sombre, marque les heures par son chant, réveille ceux qui dorment, célèbre le jour qui s’approche ; mais d’abord il se réveille et s’excite lui-même à chanter, en battant ses flancs de ses ailes. Toutes ces choses ne sont pas sans mystère ; car la nuit, c’est ce siècle ; ceux qui dorment, ce sont les fils de cette nuit, couchés dans leurs iniquités ; le coq représente les prédicateurs qui prêchent à voix haute et réveillent ceux qui dorment, afin qu’ils rejettent les œuvres de ténèbres, et ils crient : « Malheur à ceux qui dorment ! lève-toi, toi qui dors ! » Ils annoncent la lumière à venir, lorsqu’ils prêchent le jour du jugement et la gloire future ; mais, pleins de prudence, avant de prêcher aux autres la pratique des vertus, ils se réveillent du sommeil du péché et châtient leur propre corps. L’apôtre lui-même en est témoin, quand il dit : « Je châtie mon corps, et je le réduis en servitude, de peur que par hasard, après avoir prêché aux autres, je ne vienne moi-même à être réprouvé. » Et de même que le

  1. Rational, T. I, ch. 1, § XXII.