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CONTRE-FORT, s. m. Pilier, pilare. C’est un renfort de la maçonnerie élevé au droit d’une charge ou d’une poussée. Il n’est pas nécessaire d’expliquer ici la fonction du contre-fort, cette fonction étant longuement développée dans l’article Construction. Nous nous bornerons à signaler les différentes formes apparentes données aux contre-forts dans les édifices religieux et civils, et les transformations que ce membre de l’architecture a subies du Xe au XVIe siècle.

Les Romains, ayant adopté la voûte d’arête dans leurs édifices, durent nécessairement chercher les moyens propres à maintenir l’effet de poussée de ces voûtes. Ils trouvèrent ces masses résistantes dans la combinaison du plan des édifices, ce que l’on peut reconnaître en visitant les salles des Thermes, et particulièrement l’édifice connu à Rome sous le nom de basilique de Constantin. Mais lorsque les barbares s’emparèrent des dernières traditions de l’art de la construction laissées par les Romains, ils ne trouvèrent pas des artistes assez savants ou éclairés pour comprendre ce qu’il y a de sage et de raisonné dans les plans des édifices voûtés de l’antiquité romaine ; cherchant à imiter les plans des basiliques latines, voulant voûter d’abord les nefs latérales, ils furent conduits forcément à résister extérieurement à la poussée de ces voûtes par des renforts en maçonnerie auxquels ils donnèrent d’abord l’apparence de colonnes ou demi-cylindres engagés, puis bientôt de piliers carrés montant jusqu’aux corniches.

Parmi les contre-forts les plus anciens du moyen âge, on peut citer ceux qui maintiennent les murs de l’église de Saint-Remy de Reims (Xe siècle). Ce sont des demi-cylindres (1) consolidant les murs des collatéraux au droit des poussées des voûtes, et les murs de la nef centrale au droit des fermes de la charpente ; car alors cette nef centrale n’était point voûtée. Ces contre-forts primitifs sont couronnés soit par des cônes, soit par des chapiteaux qui souvent ne portent rien. La forme cylindrique fut bientôt abandonnée dans le nord pour les contre-forts, tandis que cette forme persiste dans l’ouest jusque vers le milieu du XIIe siècle. On voit encore, dans le Beauvoisis, quantité d’églises ou d’édifices monastiques qui adoptent la forme angulaire pour les contre-forts, très-large à la base et assez étroite au sommet pour ne pas dépasser la saillie de la corniche. Nous en donnerons ici