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d’Orléans, frère de Charles VI firent élever des résidences, moitié forteresses, moitié palais de plaisance, qui indiquent chez les artistes auxquels furent confiés ces travaux une expérience, un savoir rares, en même temps qu’un goût parfait ; chez les seigneurs qui commandèrent ces ouvrages, une libéralité sage et bien entendue qui n’est guère, depuis lors, la qualité propre aux personnages assez riches et puissants pour entreprendre de grandes constructions. Si Louis d’Orléans fut un grand dissipateur des deniers publics et s’il abusa de l’état de démence dans lequel le roi son frère était tombé, il faut reconnaître que, comme grand seigneur pourvu d’immenses richesses, il fit bâtir en homme de goût. Ce fut lui qui reconstruisit presque entièrement le château de Coucy, qui éleva les résidences de Pierrefonds, de la Ferté-Milon, et augmenta celles de Crépy et de Béthisy. Toutes les constructions entreprises sous les ordres de ce prince sont d’une exécution et d’une beauté rares. On y trouve, ce qu’il est si difficile de réunir dans un même édifice, la parfaite solidité, la force, la puissance avec l’élégance, et cette richesse de bon aloi qui n’abandonne rien aux caprices. À ce point de vue, les bâtiments de Coucy, élevés vers 1400, ont toute la majesté grave des constructions romaines, toute la grâce des plus délicates conceptions de la renaissance. Laissant de côté le style de l’époque, on est obligé de reconnaître, chez les architectes de ce temps, une supériorité très-marquée sur ceux du XVIe siècle, comme constructeurs ; leurs conceptions sont plus larges et leurs moyens d’exécution plus sûrs et plus savants ; ils savent mieux subordonner les détails à l’ensemble et bâtissent plus solidement. La grand’salle du château de Coucy, dite salle des Preux, était une œuvre parfaite (voy. Salle ) ; nous n’en montrerons ici que certaines parties tenant plus particulièrement à l’objet de cet article. Cette salle s’élevait au premier étage sur un rez-de-chaussée dont les voûtes reposaient sur une épine de colonnes et sur les murs latéraux. Elle n’a pas moins de 16m,00 de largeur sur une longueur de 60m,00 ; c’est dire qu’elle pouvait contenir facilement deux mille personnes. D’un côté, elle prenait ses jours sur la campagne, à travers les épaisses courtines du château ; de l’autre, sur la cour intérieure (voy. Château, fig. 16 et 17). Deux énormes cheminées doubles la chauffaient, et les baies latérales étaient au nombre de six, trois sur le dehors et trois sur la cour, sans compter un immense vitrage percé au midi sous le lambris de la voûte en bois. Les baies latérales étaient surmontées de lucarnes pénétrant dans le comble. Voici (138)

    monsieur ; c’est une belle invention, cela est fort bien trouvé, et montrez bien que vous avez très bon entendement ; jamais ne sera veu une telle œuvre au monde. Mais les fascheux pensent tout le contraire, et en discourent par derrière, peult-être ou autrement. Voilà comment plusieurs seigneurs se trompent et sont contentez des leurs. » Nous pourrions citer les six premiers chapitres tout entiers du traité de Philibert Delorme ; nous y renvoyons nos lecteurs comme à un chef-d’œuvre de bon sens, de raison, de sagesse et d’honnêteté.