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grand’salles des abbayes d’Ourscamp, de Saint-Jean-des-Vignes de Soissons, du Mont-Saint-Michel-en-Mer, des hôpitaux d’Angers[1], de Chartres, qui datent de la fin du XIIe siècle et du commencement du XIIIe. Où trouverons-nous de meilleures constructions, mieux conçues, plus grandioses, plus saines, sans luxe, et qui donnent une plus haute idée du savoir et du sens pratique des architectes ? Les ensembles et les détails de quelques-uns de ces vastes bâtiments étant gravés avec un soin minutieux dans l’ouvrage de M. Verdier sur l’architecture civile, nous ne croyons pas nécessaire de les reproduire ici ; nous donnerons à nos lecteurs quelques constructions qui n’ont point encore été étudiées et qui ont une importance au moins égale à celles-ci. Il existait, dans l’abbaye de Sainte-Marie de Breteuil, un vaste bâtiment flanqué de quatre tourelles et crénelé, qui pouvait au besoin se défendre. Son rez-de-chaussée renfermait les cuisines et leurs dépendances. Le premier étage contenait les dortoirs des hôtes du monastère ; le deuxième, une grande infirmerie ; le troisième, des magasins de provisions, et le quatrième, sous le comble, un grenier pour les grains. Un escalier latéral, passant à travers les contre-forts et couvert en appentis, s’élevait jusqu’au second étage ; les tourelles d’angles possédaient en outre des escaliers à vis communiquant d’un étage à l’autre. Ce bâtiment n’était voûté qu’à rez-de-chaussée et sous les combles ; il était divisé par un rang de piliers dans la longueur. Des contre-forts latéraux maintenaient la poussée des voûtes. Voici (123) quel était l’aspect de ce bâtiment à l’extérieur[2]. Nous voyons le pignon auquel est adossée la grande cheminée de la cuisine. Un contre-fort triangulaire, un éperon donnent de la force à ce mur pignon au droit du tuyau de la cheminée. Pour bien saisir cette construction, il faut recourir au plan (123 bis), pris au niveau du rez-de-chaussée. Tout l’espace AA, c’est-à-dire la dernière travée de la salle, est occupé par la cheminée dont le tuyau s’élève en B entre deux arcs. En C sont des ouvertures extérieures communiquant par une trémie à des ventouses D destinées à activer vigoureusement le feu posé sur des grilles relevées, et à établir un courant d’air suffisant pour entraîner la fumée dans le tuyau central. La fig. 123 ter, faite sur la ligne IK du plan, nous indique en B le tuyau de la cheminée, en C, la trémie ponctuée, et en D, les ventouses. On observera que la circulation du crénelage latéral n’est point interrompue par les tourelles et les pignons, mais, au contraire, que cette circulation subsiste devant les pignons à un niveau inférieur. La fig. 123 quater indique, en A, la coupe du rez-de-chaussée sur la ligne EF du plan, et, en B, cette coupe sur la ligne GH. Dans la coupe A, on voit en C les arcs qui forment le manteau de la cheminée divisée par la grosse pile ; en D, les bouches de ventouses avec la grille relevée. Dans la coupe B, les arcs M qui forment

  1. Voy. l’Archit. civ. et domest. de MM. Aymar Verdier et Cattois.
  2. Voy. la Monog. d’abbayes. Bib. Sainte-Geneviève.