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de celles adoptées chez les Romains, de superposer les services, de trouver des dégagements dans l’épaisseur des murs ; par suite, de chercher des combinaisons de constructions toutes nouvelles. N’oublions pas cependant ce point important, savoir : que les traditions antiques se perpétuent dans les constructions civiles, par cette raison bien naturelle que tout ce qui tient à la vie de chaque jour se transmet de générations en générations sans interruption possible, que les habitudes intérieures ne peuvent se modifier brusquement, et que s’il est possible de faire une révolution radicale dans le système de construction de monuments publics, comme les églises, cela devient impossible pour les maisons ou les palais que l’on habite, et dans lesquels chacun a pris l’habitude de vivre comme vivait son père.

Le système de construction appliqué, à la fin du XIIe siècle, aux édifices religieux, n’a, dans les édifices civils, qu’une faible influence. L’arc en tiers-point avec ses conséquences si étendues, comme nous l’avons fait voir, apparaît à peine dans ces derniers édifices. La construction civile et militaire conserve quelque chose de l’art romain, quand déjà les dernières traces de cet art ont été abandonnées depuis longtemps dans l’architecture religieuse. Il y avait donc, à dater de la fin du XIIe siècle, deux modes bien distincts de bâtir : le mode religieux et le mode civil ; et cet état de choses existe jusque vers le milieu du XVIe siècle. Les monastères même adoptent l’un et l’autre de ces modes ; les bâtiments d’habitation n’ont aucun rapport, comme système de construction, avec les églises ou les chapelles. Cependant l’une des qualités principales de la construction au moment où elle abandonne les traditions romanes, la hardiesse, se retrouve aussi bien dans l’architecture civile que dans l’architecture religieuse ; mais, dans l’architecture civile, il est évident que les idées positives, les besoins journaliers, les habitudes transmises, ont une influence plus directe sur les méthodes adoptées par le constructeur. Ainsi, par exemple, les constructions en moellons et blocages se retrouvent longtemps dans l’architecture civile, après que toutes les constructions religieuses s’élèvent en pierre de taille ; les plates-bandes en pierre s’appliquent partout aux habitations des XIIe, XIIIe, XIVe et XVe siècles, quand on n’en trouve plus trace dans les églises. Les contre-forts, même lorsqu’il existe des étages voûtés, sont évités autant que possible à l’extérieur des palais et maisons, tandis qu’à eux seuls ils constituent tout le système de la construction des églises. Le bois ne cesse d’être employé par les architectes civils, tandis qu’il n’est plus réservé que pour les combles des cathédrales et de tous les monuments religieux de quelque importance. Enfin, les architectes cherchent à éviter les pleins, à diminuer les points d’appui, ils arrivent à supprimer totalement les murs en élevant leurs grandes constructions religieuses ; tandis que, dans l’architecture civile, ils augmentent l’épaisseur des murs à mesure que les habitudes de bien-être pénètrent partout, et que l’on tient à avoir des habitations mieux fermées, plus sûres et plus saines. L’étude de ces deux