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tion des églises. On n’employa plus ces matériaux que pour les planchers, les combles et les divisions intérieures des habitations. Au XIIe siècle déjà, nombre de villes présentaient des façades de maisons en pierre d’appareil ou en moellon, si ce n’est cependant sur certains territoires dépourvus de carrières, comme en Champagne et en Picardie, par exemple.

Les établissements monastiques, si riches au XIIe siècle, donnèrent l’exemple des constructions civiles en pierre, et cet exemple fut suivi par les particuliers. Il faut dire, à l’honneur des constructeurs de cette époque, qu’en adoptant la pierre ou le moellon à la place du bois, ils prirent très-franchement un mode de construction approprié à ces matériaux, et ne cherchèrent pas à reproduire, dans leur emploi, les formes ou les dispositions qui conviennent au bois de charpente. Toujours disposés à conserver à la matière mise en œuvre sa fonction réelle et l’apparence qui lui convient, ils n’essayèrent point de dissimuler la nature des matériaux. Les moyens employés étaient d’ailleurs d’une extrême simplicité, et ces artistes qui, dans leurs constructions religieuses, montraient, dès le XIIe siècle, une subtilité singulière, une recherche de moyens si compliqués, se contentaient, pour les bâtiments civils, des méthodes les plus naturelles et les moins cherchées. Économes de matériaux qui coûtaient alors, comparativement, plus cher qu’aujourd’hui, leurs habitations sont, pendant les XIIe et XIIIe siècles, réduites au nécessaire, sans prétendre paraître plus ou autre chose qu’elles ne sont, c’est-à-dire des murs percés de baies, soutenant des planchers composés de poutres et de solives apparentes, bien abrités sur la rue et les cours par des toits saillants rejetant les eaux loin des parements. Très-rarement, si ce n’est dans quelques villes du midi et du centre, les rez-de-chaussée étaient voûtés ; par conséquent, nul contre-fort, nulle saillie à l’extérieur. Le plus souvent des murs en moellons smillés apparents, avec quelques bandeaux, des jambages et des linteaux de portes et de fenêtres en pierre de taille ; encore ces linteaux et ces jambages ne faisaient-ils pas parpaings, mais seulement tableaux sur le dehors ; les bandeaux seuls reliaient les deux parements intérieur et extérieur des murs.

Pour donner une idée de ces constructions civiles les plus ordinaires au XIIe siècle et au commencement du XIIIe, de la simplicité des moyens employés, nous choisissons, parmi un assez grand nombre d’exemples, l’une des maisons de la ville de Cluny, si riche en habitations du moyen âge. Voici (115) la face du mur extérieur de cette maison sur la rue. On voit que la construction ne consiste qu’en un moellonnage avec quelques pierres de taille pour les bandeaux, les arcs, les fenêtres et leurs linteaux. Les arcs du bas s’ouvrent dans des boutiques. À droite est la porte de l’allée qui conduit à l’escalier. Le premier étage présente une galerie à jour composée de pieds-droits et de colonnettes éclairant la grande salle. Les baies sont carrées pour pouvoir recevoir des châssis ouvrants. Dans les linteaux, sous les arcs intérieurs qui portent le mur du second étage, sont percés