Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[construction]
[développements]
— 188 —

afin d’éviter toute chance de rupture. On voit en M (détail L) les feuillures destinées à recevoir les claires-voies vitrées extérieures de la galerie, et en N celles destinées à recevoir la claire-voie intérieure supportant la pièce de recouvrement et les meneaux des fenêtres. Comment des claires-voies aussi minces peuvent-elles être maintenues toutes deux dans des plans verticaux ? Celle intérieure n’a que 0,21 c. d’épaisseur et celle extérieure 0,22 c., compris toutes saillies. Leur rigidité est obtenue par le moyen le plus simple, en ce que l’arcature de chacune d’elles, comprise entre les feuillures dont nous venons de parler, est d’un seul morceau. Chaque claire-voie n’est donc composée que de trois morceaux : deux pieds-droits et une dalle de champ percée d’ajours. Il ne faut pas oublier ce que nous avons dit plus haut des matériaux employés dans la construction de l’église de Saint-Urbain. L’architecte avait fait sa bâtisse résistante en pierre commune, sorte de moellon piqué, et tout ce qui n’était qu’accessoire, décoration, chéneaux, claires-voies, en pierres de Tonnerre, basses de banc, très-fermes, mais de grandes dimensions en longueur et largeur. Ces pierres de Tonnerre ne sont réellement que des dalles dont l’épaisseur varie de 0,20 c. à 0,30 c., d’une excellente qualité. L’édifice ne se compose que de contre-forts entre lesquels sont posées des dalles de champ ajourées. Ce singulier système de construction est appliqué partout avec cette logique rigoureuse qui caractérise l’architecture de la fin du XIIIe siècle[1].

Prenons donc la claire-voie extérieure de la galerie du chœur de Saint-Urbain, et examinons comment elle est taillée, posée, et comment elle se maintient dans son plan vertical. Nous la traçons ici (105), en plan A, en élévation extérieure B, et en coupe C. La pierre de recouvrement D, rendant ces deux arcatures solidaires, formant chéneau et appui des fenêtres hautes, est faite d’une ou de deux pièces venant se joindre aux morceaux pris sous les piliers intérieurs et tracés en F″ dans le détail L de la fig. 104. Pour donner plus de poids et plus de rigidité à la grande dalle ajourée formant l’arcature extérieure vitrée (fig. 105), et dont la coupe est tracée en E, cette dalle porte une balustrade G faisant corps avec elle, prise dans le même morceau, de sorte que le chéneau D, formant plafond de la galerie, est porté sur une saillie réservée à l’intérieur le long de l’arcature extérieure, tandis que le lit inférieur de ce plafond vient mordre l’arcature intérieure, également composée d’une grande dalle de champ ajourée et maintenue à ses extrémités par les feuillures N de notre détail L de la fig. 104. Il faut dire que, pour produire un effet

  1. Comment se fait-il que nous, qui possédons aujourd’hui la fonte de fer, ou bien encore qui pouvons nous procurer des pierres de taille d’une qualité excellente et en très-grands morceaux, n’avons-nous pas songé à mettre en pratique la méthode si heureusement appliquée à la construction de l’église de Saint-Urbain ? Quelles ressources ne trouverait-on pas dans l’étude et l’emploi de ce système si vrai, si simple, et qui conviendrait si bien à beaucoup de nos édifices dans lesquels on demande de grands jours, de la légèreté, et qu’il nous faut élever très-rapidement ?