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[construction]
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rieurement par un arc L et tout un système d’ajours dont nous donnerons le détail tout à l’heure. Les claires-voies D et F sont en partie posées en feuillure, de sorte que ces claires-voies sont indépendantes des contre-forts et sont de véritables châssis de pierre compris entre les contre-forts.

Disons un mot des matériaux qui entrent dans cette construction, car leur qualité est en partie la cause du système adopté. À Troyes même, on ne peut se procurer de la pierre de taille : les environs ne fournissent que de la craie, bonne tout au plus pour faire des remplissages de voûtes. L’architecte de Saint-Urbain a dû faire venir de la pierre de Tonnerre pour les pièces d’appareil, et, afin d’économiser ces matériaux transportés à grand frais, il s’est servi, autant qu’il a pu, d’une certaine pierre dite de Bourgogne que l’on trouve à quelques lieues de Troyes, et qui n’est qu’un calcaire grossier assez ferme, mais bas de banc et se taillant mal. C’est avec ces derniers matériaux qu’il a élevé la partie massive des contre-forts, en revêtissant leur face externe M de grandes plaquettes de pierre de Tonnerre posées en délit et finement taillées. C’est aussi avec la pierre de Tonnerre qu’il a fait les piles intérieures, les claires-voies, les arcs, les chéneaux et toutes les parties délicates de la construction : or la qualité de Tonnerre employée ici est un banc peu épais, très-résistant, très-ferme, très-compacte et pouvant être posé en délit sans danger. Par le fait, cette construction est une bâtisse en moellon smillé, solide mais grossier, habillée d’une pierre fine très-belle, employée avec la plus stricte économie, comme on le ferait du marbre aujourd’hui. La légèreté des claires-voies, des meneaux, dépasse tout ce que nous connaissons en ce genre, et cependant les matériaux employés ont été si bien choisis, l’élasticité de cette construction est si complète, que très-peu de morceaux se sont brisés. D’ailleurs la structure étant parfaitement solide et bien pondérée, les détériorations survenant aux claires-voies et fenêtres n’ont nulle importance, celles-ci pouvant être facilement remplacées, comme de véritables châssis, sans toucher au gros œuvre. L’anatomie de cette construction doit être examinée avec le plus grand soin. Nous allons essayer d’en faire toucher du doigt les détails.

Prenons donc d’abord toute la partie du contre-fort comprise entre H et O, c’est-à-dire le plafond de la galerie et son linteau reliant la pile intérieure au contre-fort, l’enchâssement de claires-voies et l’écoulement des eaux sur ce point. En A (104), on voit la coupe prise dans l’axe du contre-fort et de la pile. B est la gargouille rejetant à l’extérieur les eaux recueillies sur le passage G, c’est-à-dire non-seulement la pluie tombant verticalement sur ce dallage, ce qui est peu de chose, mais celle fouettant contre les vitraux ; C est le caniveau de recouvrement faisant parpaing, c’est-à-dire prenant toute l’épaisseur du contre-fort ; D, la console soulageant le linteau E, lequel sert de caniveau et relie la pile intérieure H au contre-fort ; F, l’assise de recouvrement de la galerie portant chéneau ; I, les deux joues formant parements extérieurs et maintenant le linteau-caniveau E, ainsi que l’indique le détail perspectif K en I′. Dans ce détail,